Forum - La quête des légendes : La terre, 2/2. Univers, ville ouverte.

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Celimbrimbor | 01/09/09 01:33

D'abord...

D'abord il n'y a rien. Enfin, seulement moi et ma perception étrange de ce rien. Comme un grand blanc sensitif. Mes pensées, qui courent en désordre et cherchent à agripper ce rien pour en tirer quelque chose. La peur de l'inconnu, forcément présente aussi, mais toujours en moi. Au-dehors, rien. Même pas cette sensation de chute vertigineuse et immobile que j'avais éprouvé lors de ma rencontre avec le Tout voilà des siècles. Je ne sais pas si je suis en mouvement, si je suis au repos, ou, si je bouge, comment et vers où. La seule chose sûre est que je suis entier. Je perçois mon corps, fort heureusement. J'ai cependant du mal à croire que tout ceci ne soit qu'une illusion induite par les fumées de ce fichu sorcier. Sans doute une démonstration de force de mon hôte du jour. Elle doit vraisemblablement vouloir me prouver qu'elle et elle seule fixe les règles du jeu. Or, comme à chaque fois qu'une quelconque puissance cherche à m'enfermer dans une cage, je fais le malin.

Alors...

Alors il y a les basses. Sourdes, qui me remuent des pieds à la tête de façon fort désagréable. J'aimerais m'en isoler mais j'ai dans l'idée que si je coupais cette perception, je perdrais le contact avec l'entité que j'ai eu tant de mal à trouver et qui a tant renâclé à m'accepter. Donc, les basses, violentes, me traversent, provenant de tout côté. Je préférais presque le blanc de tout à l'heure. Non seulement ces sons agressent tout mon être mais en plus ils ne m'apprennent rien. Omnidirectionnels, ils m'empêchent de trouver une source d'émission. Pire, ils ne proviennent de nulle part. Aucun point de départ. Mes sens ne trouvent que du vide et ce vide ne répond rien. Mes tentatives pour créer un sol, un « haut » ou un « bas » se soldent toutes par des échecs.

Et puis...

Et puis il y a une lueur. Le non espace, sans couleur, sans nuit, sans jour, sans espace, devient un endroit. Sans limite, sans plafond, sans sol, mais un endroit tout de même. La lumière est noire, douce, peu aveuglante. Agréable, même. Malgré les basses qui continuent de tonner en silence, je commence à me détendre quelque peu. Je suis certain à présent que tout cela n'est pas qu'une illusion. Quoique que. Mes discussions avec mon maître me reviennent d'un seul trait. Solipsisme. « La réalité est bivalente de nature, bivalence qui peut se résumer en un paradoxe simple : la réalité peut être absolue et relative, en même temps ». Combien d'années avons-nous disputé autour de ce sujet, mon maître et moi, je ne m'en souviens plus. J'arguais de la nécessaire relativité de la nature, tandis qu'il soutenait la position contraire. Mon argumentation relevait d'ailleurs plus de la posture, attendu que je la supportais uniquement par esprit de contradiction. Ainsi, à l'instant, je prends conscience de la réalité qui m'entoure à travers mes perceptions. Cloré-je celles-ci que l'espace autour de moi ne serait plus. Ce qui est absurde, puisqu'il est sans moi. Inutile de me lancer dans un débat sans fin. Je ne suis plus sur terre, mais dans un espace dessiné et maîtrisé par mon hôte, où ses règles sont lois, où je dois suivre son jeu.

Ensuite...

Ensuite il ne se passe rien. Rien de perceptible, en tout cas. Pourtant une partie de mon être réagis. L'univers possède à présent des limites. Elles se sont instaurées il y a moins d'une seconde. C'est donc véritablement une démonstration de force à laquelle veut se livrer ma chère cible. Soit. Qu'elle me montre si elle réussi là où j'échoue, si elle arrive à égaler le Tout. Je cesse de l'importuner et m'installe en l'air à mon aise, attendant la suite des événements. Pour l'instant, tout est facile. Le son m'intrigue toujours aussi, alors que j'attends, je décide de m'y intéresser un peu plus. Il est irrégulier, changeant. Je l'écoute pendant un temps long, très long, pour tenter de discerner des détails qui échapperaient à une oreille distraite, des schémas, des répétitions. Rien de tout cela n'apparaît malheureusement. J'ai cru à un moment que mon hôte s'exprimait à travers ces bruits. Tant pis.

Soudain...

Soudain il y a un bas. Que mes jambes heurtent durement à son apparition. Un sol, bien présent, bien ferme. Une terre, bonne, fertile. En son centre, un coeur de magma liquide et fumant. Si elle a réussi à réaliser cela, normalement... Effectivement. Il y a des étoiles. Une, au moins, vu que je n'arrive pas à voir les autres non plus qu'à les détecter. L'espace est sans doute trop petit. Bien. Le feu lui prête donc son aide. Dans peu de temps l'eau et le vent devraient en faire de même.

Ainsi...

Ainsi un petit ruisseau coule bientôt près de moi, tandis que des mers et des océans font leur apparition un peu partout à la surface de cette planète à venir. Des nuages, également. Eau, terre, vent, feu. Tous y sont. Ce qui est normal, vu qu'ils avancent de concert. Rien de tout cela n'est très sorcier. Même en l'absence du concours du vent et de la terre dont je dois me passer pour l'instant, il m'est possible d'en arriver à ce stade, voire un peu plus loin. Précisément à l'étape que devrait atteindre mon hôte d'ici quelques instants.

Donc...

Donc je détecte à présent les corps d'animaux, d'insectes, de plantes, d'arbres, de microbes... Bref, de tout ce qui peut constituer la faune et la flore d'une planète, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Mon sourire ne connaît plus de borne. Tout ceci va devenir extrêmement intéressant incessamment sous peu. L'ennui me déserte, remplacer par une curiosité grandissante. Il manque une étape, cruciale. Même si tous les processus sont en place, il manque une chose, indispensable.

Finalement...

Finalement, rien. Oh, toute la réalité se tend vers un but. Je discerne les efforts qui sont faits. Mais, rien. Pas de point de rupture atteint. Rien du tout. Seulement un échec monstrueux et monumental, comme j'en rencontre sans cesse. Je ris à gorge déployée.

« Voyez ! Voyez ! Vous aussi vous échouez ! »

Le camouflet est de taille pour l'entité que je défie. Sa réponse l'est aussi. Son monde. Son jeu. Ses règles. Tout disparaît d'un seul coup et je me retrouve sans pouvoir bouger. Mes membres sont saisis par une force extérieure. Inutile de me débattre. Normalement, elle devrait répondre très vite, après avoir récupéré de ses efforts. Aussi, j'attends.

Puis...

Puis la voilà finalement devant moi et mes mouvements ne sont plus entravés. Elle a choisi un endroit agréable pour notre rencontre. L'ombre de quelques arbres sur une plaine verte magnifique s'étendant à perte de vue. Je suis surpris. Je m'attendais, après avoir étudié les représentations qu'en faisaient les primotaures, à une apparence beaucoup moins élégante. Pourtant, malgré la vieillesse qui se dégage de la présence, l'entité est belle. Sous les traits d'une jeune femme à l'aura délicate, ses cheveux roux longs détachés flottant librement derrière elle, une robe diaphane cachant sa nudité, les pieds nus sur l'herbe grasse, la terre me sert doucement un verre de thé. J'attends qu'elle s'asseye avant d'esquisser un geste. Même dans le défi, la politesse ne s'économise pas. Je m'installe aussi et la laisse prendre la parole après une première gorgée. Etrangement, sa voix est triste.

« Crois-tu réussir ?
-Nulle limite à mon pouvoir.
-Nulle limite à ta folie. Un éclair mélancolique passe dans ses yeux.
-Vous avez raison. Je réussirai cependant. Je bois un peu.
-Celimbrimbor, pourquoi poursuivre cette quête ? Sa voix chantonne avec lenteur.
-Celle-là en vaut une autre, non ? Je sais que ma réponse ne la satisfera pas. Je n'ai rien d'autre à vous dire.
-Pourtant, si. Pourquoi cette quête ?
-Je...
-J'insiste, Celimbrimbor.
-Celle-là en vaut une autre. Je détache soigneusement mes mots.
-Rien d'autre, vraiment ? Aucun but à ta folie. »

Ma gorge se serre tandis que j'étouffe toute velléités de réponse.

« M'aiderez-vous ? Deux d'entre vous m'ont déjà prêté assistance. Le ferez-vous à votre tour ?
-Tu tues, tu pilles, tu méprises la vie, tu agis selon ta guise, n'es loyal ou fidèle qu'à toi-même. Tu détruits, tu prends ce qui t'arrange, ment quand cela t'arrange, dis la vérité à l'instar, ne t'accomodes de rien de ce qui te dérange et ne connais qu'une solution : l'éradication. J'accuse les coups sans broncher. Tu annihiles tout ce qui ne te plaît pas. Tu es sans doute un des pires égarements de la création toute entière, création que tu nies à toutes forces. Et pourtant... Pourtant tu veux créer.
-Oui.
-Par orgueil, par envie, par folie...
-Oui.
-Que ferais-tu si je te répondais non ? Si je ne t'apportais pas mon aide ? Elle connaît déjà la réponse. Sa voix me l'indique clairement.
-Je vous l'arracherais. Dusé-je priver ce monde d'un élément fondamental dans le combat. Je vous abattrais et tirerais de vous ce dont j'ai besoin, quitte à ruiner mille espoirs. Résisteriez-vous que je ne laisserais de votre être qu'une marre de sang et un autel pour célébrer ma victoire.
-En tirerais-tu plaisir ?
-Je ne tire aucun plaisir à combattre.
-Bien.
-Alors ? Je suis fatigué de ces stichomythies. M'aiderez-vous ?
-Tu trouveras ce que tu cherches à tes côtés en te réveillant. Mais ne crois pas réussir pour autant. Le vent s'oppose à toi.
-Il changera d'idée.
-Tu en es sûr.
-Je vais à présent m'en aller. Je vous remercie pour le thé, mais j'ai d'en l'idée que vous l'apprécieriez mieux si vous le buviez seule.
-Adieu, Celimbrimbor. Prend garde que ta folie ne te consume pas.
-Adieu. »

Je me lève après avoir fini ma tasse de thé et m'incline avec le plus d'élégance et de déférence possible. La terre ne me regarde plus. Je disparais.

Retour dans la hutte. Qui n'est plus là. Pas plus que le sorcier. A ma droite, une sphère qui pulse doucement d'une lueur verte. Elle a tenu parole. J'englobe la sphère dans un sort et je disparais. Jamais plus la terre ne me verra. Jamais plus je ne la verrai. Jamais je ne la remercierais assez cependant. Sans doute pas malgré elle, elle m'a appris une difficulté supplémentaire. Je croyais que je n'aurais plus qu'un pas à faire après elle. Il m'en reste finalement peut-être un peu plus.

Shadee | 01/09/09 22:31

Bravo, original dans la forme et plaisant dans l'écriture. :)

Baramir d'Eckmöl | 02/09/09 11:42

Tout cela est folie, tout cela n'est qu' orgueil à votre mesure, c'est à dire démesuré.
Mais vous finirez par réussir.
La suite est attendue avec toujours autant d'impatience.

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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
Archiviste occasionnel de la Skippypédia

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