Forum - La Grande Aîlée ( quête co-écrite avec Celimbrimbor): prologue

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Shadee | 12/09/09 02:00

Le vent tentait de lui apporter un peu de répit. elle releva la tête et respira un grand coup pour tenter d'effacer cette douleur qui lui tenaillait les tripes. La mer était mauvaise, elle ne pouvait rien y faire, plutôt elle ne devait rien faire. Elle protestait comme son corps qui ne supportait plus ces mouvements. Accrochée au bastingage, Shadee entendait les cris des matelots qui maniaient le gréement à force de cordes tirées, enroulées, nouées. Elle enviait leurs pieds marins et leur assurance dans chaque geste. La demi-elfe avait embarqué seule pour rejoindre la Cité Mère, non pas qu'elle voulu fuir la paix de Feupamdhil, mais une envie de savoir la poussait à franchir de nouveau ce bras de mer. Après tout ce temps passé à se dissimuler parmi les siens, il lui était enfin donné de commencer une nouvelle existence comme à Myrilla... Cependant à bord de ce navire, elle devait à nouveau dissimuler ses actes et sa nature aux yeux des êtres qui l'entouraient. Ils ne comprendraient pas pourquoi les eaux se calmeraient subitement sous un vent qui pousserait le navire à vive allure.

Enfin la Terre du Centre apparut sous les lueurs de l'aurore. Après un long moment qu'elle passa à reprendre ses repères terrestres, Shadee, jaugea les habitants de la capitale dont les bâtiments mêlaient différentes architectures d'inspirations variées. Cette ville était la marque même de la colonisation de conquérants, de réfugiés...Elle commençait à connaître ses ruelles, leurs carrefours révélant des places insoupçonnées. Les halles marchandes dépassées, l'établissement célèbre «  La Taverne » se dévoila au bord du lac. Elle longea sa grève en direction des écuries sans prendre de halte rafraichissante. Le maquignon se présenta avec un sourire édenté, l'oeil vif et la main forte, il jugea Shadee avec un air mercantile. Il savait ce qu'il fallait pour cette dame qui lui présentait des pièces aux lueurs ambrées. Le cheval à la robe caramel paraissait paisible et résistant, cela lui convenait. La monture enfourchée, Shadee prit un petit galop vers les terres du mage. Dans les fontes, elle avait rangé un précieux ouvrage qui avait éveillé un désir de connaissance.

Sa quête était certainement folle, peut-être même courrait-elle après un fantasme. Pourtant, dans les lignes qu'elle avait parcourue, il était question de cette lumière qu'elle cherchait à emprisonner, à approcher. Sa soif de savoirs était grande. Sa curiosité aidant, Shadee avait couru après bien des chimères. Ce projet en était peut-être une autre, mais elle sentait que ce grimoire avait dans ses pages jaunies un fond de vérité à décoder. Elle devait lui en parler. La veille, le mage lui avait offert la vision d'un prodige: une étoile enfermée dans une boîte. Si cet être pouvait accomplir pareil miracle, alors il pourrait l'aider à trouver la flamme originelle. Elle l'avait vu dans ces deux aspects à travers les armes de son père, le Feu. Noire et blanche, lumière changeante, la vie et la mort. Il est dit que celui qui possède cette lumière peut déjouer les tours de la providence complice de la fatalité, mais que la folie peut s'inviter avec ce trésor.

Le jour avait décliné, sous les lueurs de la lune, un fier manoir narguait les étoiles que son maître pouvait capturer. Remplie d'espoir et d'appréhension, à pas mesurés et gracieux, Shadee abandonna sa monture à l'orée du parc. La fille des éléments se présenta devant la porte sculptée de glyphes étourdissantes. A sa grande surprise, celle-ci découvrit un visage grave et emprunt de sérieux, avant même que sa main ne saisissent le heurtoir. L'homme, vêtu d'une robe de mage, l'invita à le suivre par un geste lent et silencieux. Shadee lui offrit un sourire chaleureux qui heurta le dos de l'individu s'enfonçant déjà dans les profonds corridors.

Sous une porte, une lumière filtrait. Son coeur se serra, son ventre se noua. Et s'il refusait? Allait-il lui rire au nez? Les voix étaient lointaines et insaisissables sous les vagues incessantes de ses pensées remplis de doute. Le regard étonné et appuyé de son guide la poussa dans la pièce baignée par le savoir et la tranquillité. Paisiblement, elle glissa son observation sur les imposants ouvrages, les multiples fioles rangées sur une étagère, sur un bureau offrant une étude délaissée pour quelques sabliers de trêve intellectuelle. Avec l'ombre d'un sourire, le mage lui demanda de s'installer près de l'âtre avant de disparaître, la laissant seule.
Les minutes s'écoulèrent entraînant dans leur course du temps, un flot de questions. Les flammes avait révélé leurs visages d'élémentaires durant l'attente de Shadee. Elle n'était jamais vraiment seule, pourtant celui qu'elle avait cru entendre n'était pas dans la pièce. Celimbrimbor ne souhaitait peut-être pas sa venue...

Patiente néanmoins, elle prit le grimoire dans sa sacoche, et l'ouvrit avec douceur. Ses yeux en amandes se posèrent avec délicatesse et respect sur les mots qu'une main ancestrale avait posé jadis. Elle ne put s'empêcher de les faire vivre par son souffle susurrant. L'air resta accroché à ses lèvres, jouant avec ses douces intonations, palpitant au rythme des révélations:

Vie
Ether
Harmonie
Fière Lumière
Conscience profonde
L'aube infinie des cieux inonde
Les mortels d'un savoir millénaire
Bras triomphant affrontant haine et colère.
Que s'accomplissent les oeuvres sempiternelles
Sous la lumière éclairant l'arène passionnelles de la terre.
Peuple esclave à la providence, perdu dans tes transes aveugles.
Regarde, loin de la gloire aveuglée, dans un noir chaos,
Congestionnés de sombres masques de flammes,
veillent deux miroirs ardents et infernaux.
Les linceuls flottent et entament
Leur lente procession funèbre
Q'on nomme Fatalité,
A sa lumière dort
La Grande Aîlée.
Mort

La pièce semblait baigner dans une aura sombre, les flammes prirent une teinte obscure et fugace. Louvoyantes, elles regagnèrent de la vigueur quand Shadee posa l'ouvrage pour quitter son fauteuil. Appuyée au chambranle d'une fenêtre, elle scrutait l'horizon à la recherche de cette parcelle de terre qui pourrait posséder l'impossible.

Edité par Shadee le 12/09/09 à 02:22

Celimbrimbor | 12/09/09 13:25

La sphère de cristal s'éleva dans le ciel étoilé, nimbée d'une aura étrange, comme si sa vitesse, trop grande, la faisait s'enflammer. Le mage se demandait combien de temps sa création tiendrait contre le rempart de l'air invisible. Elle continua de grimper, n'étant à présent, pour les humains, qu'un point un peu éloigné dans l'azur et puis soudain, elle explosa dans un son de l'enfer. Celimbrimbor sourit tandis que les débris s'écrasaient en flammes sur le sol de ses terres dévastées, creusant des cratères semblables à des vallons sans eaux autres que celles des pluies. Le sol, malgré toute la volonté de la nature, était incapable d'accepter ce fluide contaminé par les restes des expériences de l'elfe. Ainsi l'eau croupissait-elle, dégageant une odeur peu amène, rendant pareil certains lieus du domaine à des limbes démoniaques où peu d'animaux arrivaient à survivre. Quant à ceux y arrivant, ils n'étaient plus guère que l'ombre d'eux-mêmes ou bien les prémices de mutations étranges. Des voyageurs, souvent des colporteurs ou des représentants de confréries quelconques, voire, parfois, des paladins en manque de gloire désirant occire le maléfique sorcier demeurant au centre de l'endroit, en avaient fait les frais. Les cadavres résultant de telles rencontres n'étaient pas beaux à voir, hormis dans un intérêt curieux et scientifique. Celimbrimbor avait ainsi pu identifier chez lui une créature possédant plus de huit rangées de dents. Il l'avait d'ailleurs éliminé d'un revers distrait.
Chaque échec était néanmoins la promesse d'un espoir. D'autant plus s'ils corrompaient les alentours. Cela ne signifiait qu'une chose : l'elfe n'était pas loin d'arriver à ses fins et la création, la véritable magie, ne lui serait plus interdite. Il se détourna de la grande fenêtre de son bureau et contempla un autre spectacle : des débris de verres et les pulsations agaçantes des deux sphères élémentaires. Il s'assit sur son siège, posa les mains sur ses genoux et resta immobile un long moment, quelques pleurs coulant sur ses joues. Chaque tentative lui coûtait une énergie incroyable, suffisante pour faire briller des soleils, avait-il découvert un jour, une énergie à donner l'étincelle première d'où tout découlerait. Il accrocha du regard un éclat de cristal plus grand que les autres qui lui renvoya son reflet en une image fugitive. Amaigri, sale, vêtu n'importe comment, le teint cireux et les yeux caves, échevelé et tremblant, l'elfe qui s'autoproclamait dieu faisait pâle figure.
Un tiraillement lui passa par l'esprit et aussitôt il fut au-dessus de la silhouette à cheval, toute encapuchonnée, qui venait de pénétrer dans ses avant terres. Shadee. Il revint dans son bureau. Elle venait pour une sombre histoire d'étoile, elle n'avait que cela en tête. Il autorisa les éléments à la suivre sur sa propriété. Nulle magie qu'il devait craindre, même dans son état. Il se releva péniblement et se détailla du regard dans un miroir qu'il fit apparaître devant lui. Pâle figure en effet. La jeune fille arriverait sans doute dans une dizaine de minutes, il pourrait la faire patienter cinq dans le salon. D'un sort distrait il fit apparaître un serviteur qui apporterait un rafraîchissement à son hôte après lui avoir ouvert la porte. Ensuite, il se mit en stase pour récupérer autant que possible pendant le quart d'heure à venir.

« Tu sais Dublis, je ne suivrai pas la voie du voyageur toute mon existence.
-Tu ne m'apprends rien. Personne ne le fait. Tu deviendras soldat ou politicien, comme les autres.
-Tu crois ça ? Tu me verrais, moi, diriger Judör ?
-Reviens déjà vivant de ton voyage...
-A bientôt Dublis. Devient un bon soldat.
-Moque-toi Celim, moque-toi. Au moins, je serai utile à la cité. Bon vent ! »

« Politicien ou soldat alors ?
-C'est bon, ça va, je m'étais planté. Tu vas pas me courir avec ça toute la vie, si ?
-Jusqu'à ce que tu obtiennes ton diplôme, incapable !
-Tu verras. Non seulement je l'obtiendrai, mais je serais directement capitaine ou commandant !
-Tu parles. Simple soldat, oui.
-Tais-toi et allons fêter ton diplôme de magie, ce soir, la bière et le vin couleront à flots ! »

« Toujours magicien alors ?
-Laissez tomber Général Lendlor.
-En colère, Souverain Elanden ?
-T'as gagné. Moque-toi.
-Je ne me moque pas. Tu deviens utile à la cité.
-Il y a tant de choses à faire. Tu te rends compte ? Toutes les cités s'ignorent. Je fédérerais tout cela, tôt ou tard.
-Je te l'avais dit.
-Dublis ?
-Oui ?
-Ne me trahis pas.
-Jamais. Ton invité est arrivée. »

Celimbrimbor émergea de son sommeil, le souffle court. Les fantômes du passé doivent rester dans le passé. Il respira profondément cinq fois, reprenant son apparence normale, tissant autour de lui des atours digne de son rang, finalement, repris figure humaine. Le miroir lui renvoya une image bien plus satisfaisante. Orgueil un jour...

Il apparut en bas des escaliers qui donnaient sur le salon où attendait Shadee et fit craquer le parquet pour signaler son arrivée quand il se dirigea vers elle.

« Bonsoir, jeune fille. Il s'inclina doucement avec élégance. Je vous attendais. »

Baramir d'Eckmöl | 19/09/09 15:48

Une suite pour bientôt ?

Et au passage, c'est compilé sur vos pages respectives.

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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
Archiviste occasionnel de la Skippypédia

Shadee | 24/09/09 12:33

« Bonsoir cher mage. La jeune femme s'avança légèrement vers Celimbrimbor en souriant. J'espère ne pas avoir trop tardé. J'ai pris le premier navire marchand en partance de la Cité Mère. »

D'un regard furtif et souriant, elle apprécia son élégance puis son attention dévia quelques secondes vers le grimoire abandonné sur une table. Elle demanda d'une voix presque chantante, déjà amusée par la réponse qui allait suivre :
« Comment allez-vous? »
-Egal à moi-même, mais vous le saviez déjà. »

D'un geste leste, il venait de matérialiser un verre de vin irradiant de lueurs ambrées et sucrées. L'elfe sonda la dame d'un sort rapide avant de continuer :

« Vous semblez quelque peu lasse, jeune fille. Ce vin vous plaira et vous redonnera un peu de vigueur. »

Arrivée à son niveau, elle prit le verre avec un plaisir illuminant son regard profond. Son hôte se renferma cependant quand elle aborda la raison de sa venue.

« J'ai apporté le grimoire qui m'a poussé dans cette folle quête. J'ose espérer qu'ensemble nous pourrions quérir ce trésor singulier. Il ne s'agit pas vraiment ni d'une étoile ni d'un spectre lumineux que je cherche à posséder... Je ne pouvais en parler plus clairement en taverne.»

Shadee arrêta un instant le flot de ses paroles pour boire un peu de vin tout en fixant Celimbrimbor de façon réfléchie. Elle secoua légèrement la tête, d'un soupire, elle posa le verre sur un guéridon. Elle devait se découvrir encore un peu pour qu'il puisse peut-être comprendre. L'avenir seul lui dirait si elle allait regretter ce geste que lui interdisaient les guides de sa tribu.

« Il y a de nombreux solstices, j'ai rencontré un de mes pères. »

Tout en parlant elle délaça délicatement son corsage pour montrer à l'elfe une marque à la naissance de sa poitrine, au niveau du coeur. Une flamme blanche et dorée transparaissait sous la peau nacrée, ondoyante et mouvante à chaque battement de vie. Délicatement, elle replaça son col en fixant Celimbrimbor avec un sourire indéfinissable. Puis, les pages jaunies marquées par un lacet de soie révélèrent les mots qui avaient hypnotisés Shadee.

« A sa ceinture deux flammes étaient emprisonnées dans des lames. La source de la vie et de la mort. Il m'a dit que je possédais ce pouvoir en quelque sorte. Je rejette une des voies, je sais que je ne devrais pas car cela m'empêche d'être ce que je suis dans ma totalité. »

Dans l'âtre de la cheminée, les flammes prirent de l'ampleur, des visages éphémères se sculptèrent en leur sein, tantôt souriants, tantôt grimaçants.

« Mais ce n'est pas l'essentiel. Comme lui, je veux posséder le mystère de l'existence, je veux déjouer la fatalité quitte à me noyer et me perdre. Cette connaissance lui fut donnée par La Lumière, seule source dont il est le fils, et qui l'a couronné Roi du Feu Sacré.»

Elle resta silencieuse en dardant des yeux nimbés de résolution dans ceux du mage. Sa voix se perdit dans des notes graves.
« Je veux atteindre mes origines, je veux voir La Connaissance. Si je ne peux l'enfermer, la compiler, je veux l'approcher quitte à brûler mon âme dans cette lumière de l'Esprit. Je veux savoir pourquoi je suis incarnée dans cette prison de chair ! »

Son coeur battait la chamade, sa sérénité habituelle fut balayée par un regard brillant. Jamais elle n'avait exprimé son désir à voix haute et surtout à quelqu'un qu'elle connaissait si peu.

Celimbrimbor resta impassible devant la déclaration, se contentant de considérer la jeune femme en silence. Il resta un long moment ainsi, caressant son hôte d'une onde mentale apaisante. Elle avait beau maîtriser les éléments, elle n'exerçait aucun contrôle sur ses sentiments. Il conserva une expression neutre mais quand il prit la parole sa voix était douce :

« Vous ne me laisserez pas en paix avant d'avoir trouvé réponse, n'est-ce pas ? Jeunesse insouciante... Assailli de questions, assaillant de questions... Bien, montrez-moi ces lignes qui vous hantent depuis que vous les avez lus. »

Le feu retint son souffle et les ombres de la pièce semblèrent s'inanimer. Au dehors, le vent fit entendre son murmure doux auquel vint se mêler le hurlement ténébreux de quelques bêtes qui habitaient les terres ravagées de l'elfe. Quelques branches d'un arbre proche accrochèrent la lueur de la lune en venant frapper une fenêtre. Et puis Shadee tendit l'ouvrage à Celimbrimbor, scrutant avec curiosité les moindres expressions qui pourraient émaner de son visage impassible. Renouvelant vainement son assaut, le vent fit craquer le bois du manoir. L'elfe fit taire les éléments sans y penser, déjà plongé dans l'ouvrage. Son hôte se recula d'un pas, sentant que son observation soutenue pourrait paraître déplacée. Elle porta son intention vers les meubles qui peuplaient l'endroit. Si son attitude pouvait paraître badine, elle retenait avec difficulté des hoquets de surprise à voir un décors aussi vide. Un raclement de gorge de son hôte lui fit tourner la tête. Elle s'appuya finalement contre une commode nue, sereine.

L'elfe restait impassible, la surprise ne devant plus faire partie des émotions qu'il exprimait souvent. Dès qu'elle l'avait croisée, Shadee avait su qu'une grande expérience lui avait sculpté cet air détaché de tout. Les échanges s'étaient montrés plus intrigants au fil des soirées et des rencontres, elle s'était même risquée à se dévoiler en partie. Peut-être par défi, peut-être pour découvrir davantage sur cet être qui voulait qu'elle se raconte. Ses genoux craquèrent quand il se redressa pour se diriger vers une large étagère d'où il sortit un étui de cuir. Parfois, il semblait si fatigué de tout et parfois une énergie folle émanait de sa personne :

« Accordez-vous du crédit à cet ouvrage? » Fit-il en l'observant tout en retirant le parchemin soigneusement enroulé de son conteneur. Le temps sembla ralentir pour suivre les gestes lents et précis du mage. Les lèvres de Shadee s'ourlèrent d'un sourire espiègle.
-Assez pour l'avoir dérobé à la sagesse du Grand Cornu Sa douceur fut balayée par une fougue soudaine. Quand la lune sera noire, la marée sera haute, nous pouvons prendre le premier navire en partance pour les îles de quêtes! Je...
-Certes, nous pouvons, nous pouvons... Mais pour aller où ? Et que gagnerais-je à venir avec vous? Le plaisir de courir le monde après des fables primotaures ? Celui d'assouvir la curiosité d'une jeune dame coupée de sa source ? J'ai passé l'âge de chasser les fantaisies et les dragons. » Ses paroles auraient pu être blessantes si elles n'étaient pas éclairées par une expression complice.
-Une aventure, un savoir, la folie, que sais-je ? Ou celui de m'aider simplement. Venez-vous débusquer la Grande Aîlée? » Répondit, pleine de véhémence, la jeune femme.
Le large parchemin, tendu entre ses deux bras, masqua le visage de Celimbrimbor qui ne répondit pas. Concentré dans l'étude d'une carte, il fit apparaître une table à sa hauteur et l'étala dessus.

« Vous êtes une rêveuse ou vous parlez aux esprits, n'est-ce pas? Demanda-t-il avec une pointe de condescendance.
-Oui, je le suis. Mais j'ai besoin des miens et d'une cérémonie pour atteindre les Ancêtres, les rêves viennent et partent suivant leur volonté, je n'ai aucun pouvoir sur mes songes. » Shadee regardait avec curiosité la table sur laquelle la carte s'étalait sans qu'on ait à bloquer ses coins.
-Certes, certes... Les vôtres, le feu cérémoniel les anciens et tout ça... Très bien.»

Il soupira en parlant plus pour lui-même que pour elle puis, d'un geste de la main, il l'invita à se pencher au-dessus des terres tracées sur le papier. De nombreux îlots se côtoyaient entre de multiples vaguelettes figurant les océans de Dai et de Fen. A la croisée de leurs courants, la Terre Mère, imposante, aux côtes escarpées, rythmées par de larges bancs de sable et de rochers inabordables. Étonnante terre de rencontres où un seul port unique accueillait les navires en transit. Shadee regardait pour la première fois la totalité de ce monde avec un étrange enchantement : tant de choses à voir et à découvrir.

« L'avez-vous vu? La voix profonde et pressante de Celimbrimbor la fit tressaillir et sortir de ses pensées aventureuses.
-Quoi donc?
-Elle se révèle lors de la lune noire. L'avez- vous vu, éclairé par deux masques ardents? »

Le regard du mage, pour changer, était insondable et emprunt d'un sérieux qui créa un léger malaise chez Shadee qui se sentit scrutée. Elle commença à s'inquiéter, elle ne voulait pas le décevoir. Puis elle se reprocha d'avoir l'impression d'être encore cette jeune fille usant les tablettes des guides de son stylet. Celimbrimbor possédait un immense savoir de ce monde, elle ne pouvait que se sentir petite devant tant de connaissances.

« Je ne comprends rien! Qu'aurais-je dû voir?» Elle s'humecta les lèvres en les pinçant, se penchant un peu plus vers la carte, les yeux plissés. Ses cheveux tombèrent en cascade devant son visage comme pour l'isoler et approfondir sa concentration. Celimbrimbor resta silencieux et se dirigea vers un fauteuil près de l'âtre. Il posa paisiblement les coudes sur ses genoux et se pencha en avant, les doigts croisés devant le léger sourire qui troublait ses traits. Il attendrait.

Oui ! Maintenant, elle voyait. Son doigt pointa un bout de terre.

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