Forum - retour aux sources

Lancwen de Sigil | 10/10/09 23:39

Mes yeux sont perdus dans le vide, voilà des semaines que j'ai envoyé Cirth dans une quête impossible, je sais qu'il ne reviendra pas sans Kehan Olt, autant dire qu'il ne reviendra jamais. Je pourrai l'envoyer chercher mais ce serait admettre que j'ai eu tort et que la dernière chance de sortir le peuple de Lauralessé du cristal a échoué. Je ne puis m'y résoudre.
Ma vision s'éclaircit sur mon environnement immédiat, plantes vertes, feuilles flétries
, tas de cendres. Tout ceci se fait inconsciemment, des serviteurs apportent le lot quotidien de verdure qui me sert à survivre. Ce triste spectacle réveille en moi un sentiment réprimé et enfoui. je relève la tête, mon odorat recommence à fonctionner, je me rends jusqu'aux vitraux, la vue est toujours aussi saisissante. Quelle vision rendent-ils? Un avenir possible? Le contraire du présent? Je ne saurai le dire, ils montrent des forets à perte de vue, exceptés les abords de la citadelle, zone désertique et morte. En contrebas, une caravane décharge sa cargaison acquise à prix d'or, seuls les fous ou les cupides viennent jusqu'au coeur de Certadhil. Le ravitaillement des primotaures et des quelques autres vivants passe par-là.
C'est à ce moment que je le vois, jeune garçon brun, la main sur la garde de son épée, sûrement un garde trop pauvre pour refuser un si dangereux voyage. Il est bien connu que seul le marchand s'engraisse dans ce genre de tractation. J'étudie l'homme, sa première mission à n'en pas douter, il est alerte et craintif, jetant des regards suspicieux et inquiets alentours, loin de l'assurance d'un vétéran qui sait que tout est déjà au mieux et que ce qu'il fera de plus ne pourra changer la situation. Et cette nuit sera sa dernière, il ira se soulager dans les bosquets de bambou qui ont envahi la première enceinte puis y restera pour prendre un repos éternel.
L'excitation me gagne, une espèce de sentiment d'appréhension mêlé à l'exaltation de la première fois. Je me prépare lentement, contenant à grande peine l'envie qui déferle en moi pendant que la nuit tombe.
Quelques minutes plus tard, l'obscurité a gagné la citadelle, des lanternes diffusent une lumière blafarde, l'une d'elle se dirige vers moi comme prévu.
Est ce seulement une envie pressante qui amène le garçon vers moi ou bien le destin lui joue-t-il un tour?
Je hume l'air alors que la lanterne s'immobilise non loin, le jeune homme est calme, certain que rien ne peut arriver cette nuit. Je m'approche de l'orée du halo jaunâtre, j'entends le bruit de l'urine qui éclabousse le sol, j'attends qu'il ait fini, personne ne mérite de mourir le pantalon à mi-cuisse. Prudent, je vois qu'il gardé son épée au coté, il finit de nouer la corde qui lui sert de ceinture. C'est alors que je commence à tourner autour de lui, frappant les tiges de bambou de mes ongles. Le gamin est bien entraîné, il tire son épée d'un geste ample, avant de lancer un 'qui va là' défiant. Je sens la tension monter, il ne crie pas soudainement tétanisé par la peur qui déferle en lui tandis que je continue mon manège. Je peux sentir la sueur couler le long de son cou, la peur transpire de lui.
Mes doigts cessent leur jeu sur les tiges creuses laissant s'installer un silence étouffant. L'homme se cramponne à sa lanterne comme un naufragé aux bris de bois de son navire. Il voudrait hurler mais les mots restent au fond de sa gorge, son coeur bat la chamade, je me délecte de sentir ses tempes pulser à un rythme effréné.
Je m'approche de lui sans bruit dans son angle mort, je chuchote à son oreille que la mort est prête pour lui. Il fend l'air de son arme en pivotant, réflexe dicté par un apprentissage rigoureux, la lanterne roule à ses pieds rependant son huile sur la terre de Certadhil. Les flammes libérées lancent des ombres dansantes, autant de monstres prêt à frapper pour ma proie. Il agite son épée en tout sens, des larmes coulent sur ses joues, l'odeur de l'iode me donne le signal.
Je m'approche face à lui, il a le droit de voir son bourreau. Il parvient à demander 'qui êtes vous?' au milieu de sanglots qu'il ne peut réprimer. Ma réponse n'est qu'un simple sourire, il tente de sauver sa vie en écourtant la mienne. Sa lame me transperce de part en part. Son rictus de victoire éphémère se meut en rictus d'horreur lorsque je me rapproche encore, l'arme glissant en moi. Il tente de fuir mais mon étreinte mortelle l'en empêche, je plante mes canines rageusement dans sa gorge, son sang coule dans ma bouche pendant que ses yeux s'éteignent et que sa vie s'enfuit.
L'homme git à mes pieds, mes mains et ma figure sont maculés de son sang. Je hurle ma satisfaction, je hurle ma soif non rassasiée. Ce n'est qu'un commencement...

Shadee | 16/10/09 21:31

Voilà un récit magnétique!