Forum - L'héritier.
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Joachim Hennans | 04/01/10 23:53
« Le travail de l'archiviste confirmé n'est pas simplement celui du simple copiste qui s'épuise les yeux sur le parchemin jusqu'à en devenir aveugle. Il n'a également rien en commun avec les efforts fournis à la ferme ou bien à la chasse, ou pour tenir une maisonnée ou régir un domaine. La comparaison la plus stricte pourrait se faire avec le labeur de l'historien si celui-ci avait su conserver, au fil des ans, son objectivité, plutôt que d'essayer de trouver, de donner un sens à l'Histoire pour remplir son monde ténébreux de nouvelles ombres. Ceci pourrait être la première leçon de l'archiviste, une fois confirmé : le monde n'a pas de sens. J'ai vu de nombreux acolytes être détruits par cette révélation malgré tout le travail préparatoire de leurs professeurs. Cependant, une fois cette dernière leçon pleinement intégrée, la tâche de l'archiviste confirmé commence enfin. Saisir ce monde dépourvu de sens. Compiler les savoirs. Les transmettre à ses pairs. Tels sont les maîtres mots qui doivent animer un archiviste confirmé. De sorte que l'archiviste confirmé peut être amené à côtoyer tous les types de terrains, tous les types d'époques, toutes les sortes d'hommes, toutes les espèces de créatures. D'un pur point de vue théorique, l'archiviste confirmé doit être universel. C'est peut-être là le secret le plus profond pour comprendre les archivistes. Cela justifie leur attitude dans bien des cas et la façon dont ils ont pu surprendre le monde à de multiples occasions. Ainsi que leur habileté à se fondre dans la masse. Je rappellerais ici ce mot du conseiller du trône de Solie, déclarant à son roi, quant celui-ci lui demanda quels étaient les meilleurs espions qu'il se pouvait trouver : « Les archivistes, sans nul possible, Sire. Ils espionnent le monde entier depuis sa création sans que le monde ne s'en aperçoive. » Je n'ai pas besoin de vous dire à quel point il avait raison. Aussi, je vous adresse à tous, novices que vous êtes, l'avertissement suivant : si vous n'êtes pas sûr de votre résolution, si vous n'êtes pas déterminés à donner votre vie pour l'Histoire, si vous doutez, partez. Car une fois entré dans notre confrérie d'archivistes, vous ne pouvez en sortir que d'une seule façon : par la mort violente. »
Discours d'introduction de l'archiviste Intendant Eléonor Dals.
La cour était imposante, considérée depuis le trône. Bertran ne perdait pas de vue que chacune des personnes ci-présente tenait plus du prédateur que de l'humain. Même Dame Leona pouvait se transformer en la pire des cruelles si nécessité faisait force de loi. Le conseiller du roi inspira profondément. Ces jeux d'intrigues commençaient à le lasser, compte tenu de la situation. Et Albérich qui ne faisait rien pour lutter. Que faisait-il d'ailleurs, à laisser tout le monde patienter ainsi selon son bon plaisir. Bertran n'ignorait pas que le pouvoir royal demandait parfois de rappeler aux sujets qui tenait le manche du fouet, mais ces démonstration s'étaient dramatiquement accrues depuis quelques mois. Le roi subodorait il une menace que lui-même ignorait ? Il faudrait qu'il voit cela avec ses espions. Il y avait bien du mouvement dans la maison d'Eshur, mais rien qui ressemblât à une agitation pré-révolte. Bertran porta son regard vers le duc de ce domaine et chercha des signes subtils sur lui. Rien. Il se permit un léger sourire quand le duc lui rendit son air inquisiteur. Qu'il se débatte là-dedans pour l'instant.
Un froissement de robe, à peine perceptible, mit tout le monde sur le qui-vive. Le roi allait faire son entrée. Bertran était toujours fasciné par le fait que ce troupeau de prédateurs fût capables de renifler l'arrivée de son berger avant même toute annonce officielle. Les couleurs du ballet changeaient soudain. Les courtisans cessaient de se menacer les uns les autres. Les dames ne se jetaient plus de remarques acerbes sur leurs tenues, toutes extravagantes. Bertran songea que jamais il ne pourrait se lasser de ce spectacle, de cet instant si précis où des masques venaient masquer d'autres masques, où chacun prenait un rôle qui allait à l'encontre de sa nature profonde. Comme tout cela lui manquerait un jour. Il s'extirpa de ses considérations pour se focaliser sur l'important. Le roi entrait.
Albéric Sept de Solie n'avait aucun charisme. C'était sans doute son seul et unique défaut, avec son intelligence limitée. Néanmoins, il avait composé avec ces deux problèmes de façon exquise. D'abord en s'entourant des meilleurs conseillers qu'il avait pu trouver dans son pays. Sa méthode pour les débusquer ne laissait de faire sourire Bertran. Il avait simplement demandé l'avis de ses courtisans. L'homme recevant le moins de suffrage des familles était forcément le plus à-même de le guider intelligemment. Cela s'était révélé redoutable. Quant au charisme...
Albéric Sept de Solie était un petit homme au physique de gnome disgracieux, court sur pattes et le ventre rond. Son teint bistre inspirait le dégoût à tous ses interlocuteurs et cela l'amusait visiblement. Il avait cessé de se dissimuler sous de lourds maquillages et prenait désormais un malin plaisir à souligner les traits immondes de son visage. Il soulignait ainsi son bec-de-lièvre avec un rouge à lèvres cyan qui contrastait non seulement avec sa peau mais avec sa langue carmin qu'il laissait souvent apparaître au détour des conversations. Son nez plat et bulbeux attirait immanquablement l'attention à cause des pustules qu'il cultivait dessus. Seuls ses yeux pouvaient être sauvés. Ils brillaient d'une lueur étrange et d'une soif inextinguible, d'un regard impitoyable et d'une capacité à tout mettre en scène de main de maître. C'était la solution qu'il avait trouvé : la mise en scène. Ses vêtements faisaient partie d'un ensemble très soigneusement réfléchi, comme la façon dont la lumière tombait sur le roi ou encore son point d'entrée, sa démarche, voire sa respiration et ses regards. Il tenait toute la cour, ce nid de vipères, dans sa main par une simple mise en scène. Pouvait-on la qualifier de simple, se demanda Bertran. Rien n'était moins sûr. Dans le corps de ce nain affreux se cachait un esprit hors du commun, quand bien même stupide. Préoccupé par le bonheur de son peuple, la justesse de son règne, il était, même alors qu'il continuait d'écrire son histoire, le souverain le plus apprécié et respecté de Solie. Il serait, pensa tristement le conseiller, le plus regretté aussi.
« Tu m'as l'air fatigué Bertran. Le roi venait d'arriver sur son trône. Quelque chose ne va pas ?
-Tout va bien, Sire. Je me tiens à votre disposition.
-Ah... Cette bonne vieille formule rituelle pour ouvrir les séances. Tu sais que je ne la tolère que venant de toi ?
-Je l'ignorais, Sire. L'attention des courtisans était attiré. Pour qui était la leçon ?
-Tu ignore beaucoup de chose, mon cher Bertran. Comme tant de monde. Le roi étouffa un petit rire. Mais tu en sais d'autres que j'ignore.
-Votre remarque m'honore, Sire. Ce terrain était dangereux, vite dévier la conversation. Je vous ai préparé la liste des doléances du jour ainsi que les problèmes qui requièrent votre immédiate et complète attention. Puis les grandes maisons demandent audience.
-Fi ! Je sais déjà tout cela Bertran ! Le fouet était sec. Répond plutôt à mes questions.
-Si je le peux, Sire. Quel chemin voulait-il arpenter ?
-Tu m'as appris toi-même que le meilleur moyen de faire advenir le présent était une parfaite connaissance du passé, n'est-ce pas ?
-Ce sont mes mots précis, Sire. La suite n'allait pas lui plaire. Pourquoi répétait-il ces évidences devant tout le monde ?
-Cela pour deux fins : soit créer de l'original
-Soit copier une voie. Bertran s'impatientait. Vous avez bien retenu Sire, comme toujours.
-Tu m'agaces Bertran. Écoute avant de répondre !
-Bien Sire. Le conseiller se raidit.
-Tu as également ajouté que le présent était une pure construction humaine et que le passé recouvrait à la fois les millénaires d'avant et les secondes qui viennent de s'écouler depuis le premier mot de cette phrase. Bertran ne se risqua pas à répondre. J'ai mis du temps, mais j'ai fini par comprendre, alors, que pour réussir à guider mon peuple, je devais être au courant du monde qui m'entoure. T'en souviens-tu ?
-Précisément seigneur.
-Il me fallait donc un réseau d'espionnage capable de me tenir au courant des mouvements de tout et de tout le monde. Le conseiller se raidit imperceptiblement. Réseau que tu as formé.
-J'espère qu'il a donné satisfaction à mon roi, Sire.
-Entière, mon cher Bertran, ne t'en fais pas. Et j'imagine que mes courtisans pensent de même, n'est-ce pas ? Il sourit en s'adressant à la cour. Le conseiller voyait désormais où il voulait en venir. Que cela leur serve d'avertissement : rien de ce qu'ils tramaient n'était inconnu. Pourtant je me demande, conseiller. Quels sont les meilleurs espions au monde ?
-Seigneur... Bertran était complètement déstabilisé. S'il m'était possible de juger...
-Allons Bertran ! Plus vite ! Ton roi attend ! Ne voyait-il pas que tout dépendait de lui ?
-Sans doute les membres de cette confrérie que l'on appelle les archivistes, Sire. D'après ce que je sais, ils espionnent le monde entier sans se faire voir.
-Ah... Meilleurs que tes espions ? Il allait enfin dans la bonne direction.
-Une formation incomparable si les rumeurs sont vraies, Sire.
-Vraiment Bertran ?
-La meilleure sur terre, d'après les rares témoignages que j'ai pu parcourir. Où voulait-il en venir ?
-Excellent ! Excellent ! Tu peux retourner t'occuper de mon fils Bertran, je n'aurais pas besoin de toi pour cette séance. »
Le roi lui intimait ainsi l'ordre de se retirer. Il était complètement joué. Albéric savait. Depuis quand ? C'était cette question qui pesait le plus lourd dans l'esprit de Bertran tandis qu'il allait à pas trop rapide vers ses appartements. Il devait fuir et le plus tôt serait le mieux. Il leva la tête de ses pensées au détour d'un couloir : des gardes, porteur d'un blason qui n'avait rien à faire dans cette citadelle. Il fit demi tour. Son journal pourrait attendre. Il était rédigé dans le code de la confrérie et en caractères si petits que personne ne pouvait espérer le lire sans la loupe adéquate. L'héritier. Gardant un pas égal, Bertran se dirigea vers la chambre du prince héritier, espérant le trouver vivant. Soudain un bras le happa.
Shadee | 05/01/10 10:22
Bart Abba | 05/01/10 14:08
Pépé Narvalho | 05/01/10 15:51
Une plume bien habile, en effet !
(si je puis me permettre une remarque sur la forme : essayez de différencier les discours des pensées, dans les dialogues. Cela facilitera ma lecture
)
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Pépé Narvalho, Bouleute du Firmir et adorateur de Tosrm
Venez vous battre sur Raceodhil2 ( [Lien HTTP] ombats-f42/ ), si vous l'osez ! 
Sanaga | 05/01/10 18:10
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De Legier Vovlloir Longve Repentance.
Miltiade | 06/01/10 00:40
Noir-feu | 08/01/10 10:01





