Forum - Num s'efface: du rêve à la réalité

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Shadee | 06/01/10 16:34

La voix puissante du Dragon résonne quelque temps dans ses perceptions, elle n'a pas le temps de lui répondre que déjà tout a changé autour d'elle. Elle se rend compte qu'elle sert fortement les deux écailles de Noir-feu contre sa poitrine. Incrédule, Shadee les observe et se retourne précipitamment pour chercher le donateur du regard. En face d'elle, il n'y a que des volutes opaques et emmêlées de brumes noires, dont les torsions libèrent de temps à autres des mains de brouillard malsaines et destructrices. Ses doigts se tendent vers elles mais l'improbable se dépose avec douceur sur sa main, le contact léger d'un papillon effleure sa peau, ses ailes colorées se déploient lentement à deux reprises, assez pour détourner Shadee du brouillard. Elle est attirée par le vol laborieux mais qui entraîne la petite créature vers la majestueuse arche lumineuse. A sa suite, Shadee prend la voie qui s'ouvre à elle, rapidement les chauds rayons d'un ciel clair réchauffent sa peau. Le vent transporte les odeurs de la vie, peu à peu ses souvenirs ressurgissent à un à un, joies, peines, espoirs, désillusion. L'insecte ailé la guide toujours de façon irréelle sur la route baignée de lumière, nul retour en arrière n'est possible, l'arche a disparu... Shadee suffoque noyée dans un flot d'émotions, peut-être aurait-elle préféré ne rien se souvenir, elle se sent grandir et vieillir, son âme se ride par la poussée du temps des mortels qui la rattrape. Sa tempête intérieure s'apaise avec harmonie tandis qu'elle franchit un large portail fait d'arabesques d'argent et de verres ciselés. Elle ne s'étonne pas de voir pareil faste, tout semble accessible dans cet étrange monde où nulle destruction n'est possible.

L'immense domaine, où sont disséminés des arbres de toutes espèces aux odeurs de jasmins, de tilleuls, d'acacias, attire favorablement Shadee. Elle prend plaisir à longer un large bassin couvert de lotus. Il regorge de nénuphars blancs et roses, des poissons aux couleurs chatoyantes viennent à la surface happer les insectes qui s'aventurent trop près des fleurs.
Une large volière longe l'étang préservant des espèces d'oiseaux qu'elle n'a encore jamais vu. Elle franchit une première terrasse où deux rangées de cèdres invitent à poursuivre la marche vers une seconde terrasse de marbre rose, moins ombragée. Avec une curiosité grandissante, et cette impression la tenaillant de déjà vu, elle découvre la troisième terrasse, celle qui la guide à une grande salle de réception décorée de tables basses en pierre encastrant des fontaines où jets d'eau et plantes aquatiques apportent une fraîcheur dispensatrice de détente et de bien-être. Huit colonnes d'albâtre ciselé soutiennent un étage ouvert sur la salle de réception, contre le garde fou, une femme aux cheveux d'or l'observe et la transperce de son regard bleu et impérieux. Elle disparaît de sa vue, chassant toutes les hésitation, le papillon apparaît de nouveau et peine à gagner les hauteurs de cet étage de son vol silencieux. Shadee gravit les marches de marbre blanc pour rejoindre ce niveau côtoyant une terrasse en hauteur soutenue par d'énormes piliers de pierre qui donne à la pièce une impression de luxe, d'espace et de clarté. Des coffres de bois d'ébène et de cèdre sont disposés avec goût, tout comme le choix des tentures en fibres de soie sauvage colorées d'ocre et d'indigo, des décorations murales aux fresques regorgeant de teintes vives font concurrence dans un faste des plus somptueux au panorama coloré et grandiose qui s'offre à la vue. De confortables divans entre lesquels les tables basses en bois de cèdre semblent attendre les convives dans une demi ombre. L'arrivée de Shadee fait relever la tête d'un félin, au pelage blanc et soyeux, se prélassant sous le soleil. D'une patte de velours, il s'enroule bientôt contre ses jambes pour quérir quelques intentions.

En ce jour, l'hôte est la fille des éléments, et les coussins moelleux soutiennent plusieurs personnes énigmatiques, tous la regardent de leur façon propre qui fait que la demi-elfe ne sait comment se présenter. Elle remarque que la femme altière est installée parmi eux, elle croit lire une ombre de sourire sur ses lèvres carmin, mais ce n'est, en réalité, qu'une pensée silencieuse peu favorable à une réussite que devrait incarner Shadee. Elle est entourée de deux hommes aux cheveux bleutés tirés en arrière et au regard aiguisé d'intelligence. Le papillon a disparu laissant Shadee seule avec les fils de son avenir, elle rejette ses épaules en arrière et observe avec une sérénité grandissante ceux qui lui font face. L'insolence et l'inintérêt le plus profond semblent hanter l'attitude d'une femme brune habillée selon une mode masculine exacerbant d'une drôle de manière sa féminité, elle se laisse aller aux vapeurs suaves d'une sorte de narguilhé. Pourtant son regard noir est aiguisé et découpe soigneusement toutes les manières de Shadee sans prendre les contours de la politesse. Prêt d'elle, un homme taillé dans le muscle semble moins fin dans son intelligence, elle voit tout de suite un garde ou quelque chose de similaire en cette personne. Il se penche vers un autre homme, un elfe, aux atours princiers. Ses longs cheveux blonds encadrent un visage aux traits fins et paisibles, d'un signe de tête courtois et chaleureux, il la salue. Sur sa gauche, allongée de moitié sur un sofa tressé d'osier, recouvert de coussins épais, une autre femme à la beauté ensorcelante et dangereuse dévie sur sa droite son regard de félin, attirant ainsi la curiosité de Shadee à se porter derrière elle. Une silhouette masculine, sa carrure masquée par une large bure, se redresse correctement dans son fauteuil à cette arrivée, cependant son visage reste dans l'ombre de sa capuche.

« Nous vous attendions, Shadee. » le timbre de voix est sincère, une elfe au regard défiant la clarté de ce jour ensoleillé se rapproche d'un pas léger, remplit d'assurance. Ses cheveux aux reflets flamboyants sont parés d'un diadème délicat. Son sourire est chaleureux et caresse d'une onde mentale Shadee qui se sent aussitôt abandonnée de toutes ses appréhensions devant pareil comité. La fille des éléments s'incline avec respect :
« Dame, veuillez pardonner cette arrivée. Je ne sais pourquoi, je suis devant vous, je viens... » L'elfe est à son niveau, elle coupe sa phrase d'un sourire chaleureux.
« Nous savons d'où vous venez, nous savons tout de vous. Venez Shadee, héritière d'Olwë. »

Elle la fait s'installer prêt d'un guerrier au corps souple et buriné par le soleil, son regard est une fente précise qui ne perd aucune miette de ce qui l'entoure. Son faciès plat et sans ride est amical. Shadee remarque qu'il observe les deux écailles du dragon qu'elle maintient dans sa main. Une voix doucereuse et irréelle s'immisce dans ses pensées, un frisson remonte le long de son échine de façon désagréable « Prenez soin de ce don, fille des éléments, ou je saurais vous les dérober. ».
Les mains fines de l'elfe se posent avec douceur contre ce présent d'une inestimable valeur, comme pour les protéger de ce qu'elle ressent. Son regard glisse vers la femme allongée sur le sofa, cette dernière se contente de sourire avec mystère et un angélisme trompeur. Les soieries sombres de la robe fluide émettent un léger bruissement quand elle se redresse et adopte une position pleine de charme. L'elfe n'y prend pas garde et pose son regard lumineux de nouveau sur Shadee, un léger silence s'installe naturellement, où l'observation est reine, où le temps reste suspendu dans cette pièce. Il se brise avec l'harmonie de la voix de la princesse elfe :
« Shadee, il vous manque deux souvenirs. Nous en sommes les gardiens. Il vous appartient le choix de les recevoir. Ils dévieront votre route.»
Tous les regards se tournent vers elle, son calme est déroutant et fait naître les espoirs qu'ils nourrissent. Shadee incline simplement la tête en signe d'accord. Le félin se frotte avec plaisir contre le pied d'une table basse puis fixe étrangement Shadee de son regard de plume. Par une étrange magie, il réécrit dans son esprit son lien avec les primotaures, la couronne qui lui est promise des elfes d'Olwë, mais qu'elle rejette. Puis d'un bond agile, il se love sur ses cuisses tel que le ferait le plus simple des chats.

La voix grave de l'homme qui parait être le plus ancien s'élève sans lui laisser de répit.
« Maintenant que ce souvenir t'es rendu, connaît bien la différence entre la parole et le verbe, fille des éléments. Sur toi, reposent de grandes responsabilités et accepte ton destin en oubliant ta fierté mal placée..»
L'homme à l'âge indéfinissable se détourne de Shadee pour offrir sa concentration au royaume que s'étend devant lui. Le plus jeune au cheveux bleuté reprend sa suite en fixant Shadee qui perçoit une fougue contrôlée : « Un homme ambitieux, de raisonnement délié, et qui se juge désigné pour guider ses concitoyens, prépare pendant de longs jours le grand discours qui, selon lui, va convaincre la foule, inspirer les décisions de la cité et changer le cours de événements. Il pèse ses arguments, cherche ses exemples dans le passé, polit ses phrases, s'entraîne à les déclamer. Il parait alors sur la place publique et s'adresse à ses sujets, dénonçant leur indifférence ou leur aveuglement, critiquant ce qui a été fait, montrant ce qui doit être entrepris, et appelant la cité aux actions urgentes. Ceci, Shadee, est la parole qui est souvent bafouée. »

L'elfe princier incline la tête au propos du jeune homme, érudit pour son âge. Son sourire éclaire son regard de façon mystérieuse : « C'est le cas de votre frère le Prince Seypher. Redoutable conquérant, mais aveuglé par son désir de pouvoir, il promettra monts et merveilles au peuple qu'il entraînera dans les tourments de la guerre.»
- Comment savez-vous ?
- Nous savons tout, Shadee. En cela, vous ne pouvez le laisser faire...Pourtant, il a été instruit aux sciences sacrées des elfes, il doit savoir comment faire descendre l'inspiration. Mais vous le savez déjà, les primotaures vous ont donné un enseignement pur. Vous savez mettre en mouvement les ondes invisibles pour qu'elles vous inspirent dans une voie juste. Vous pourrez ordonner telle chose, en éviter d'autres, rechercher des alliances de peuples qui vont grandir et prospérer, ne livrer aucun combat durant certaines lunes. Ceci est le verbe et poussera vos actions. »

La femme au regard bleu et froid détaille Shadee avec une noblesse qui émane de toute sa personne. Quand elle voit que son compagnon en a terminé, elle s'éclaircit légèrement la gorge : « Shadee, n'oubliez jamais ce que vous êtes. Dans les moments critiques, ressentez au fond de vous-même ce qui est juste. Car vous avez le pouvoir de vie mais aussi de mort. Viendra le temps où les hommes ne connaîtront plus que la parole, lui donneront toute leur confiance, et ne cesseront de s'étonner qu'elle ait si peu d'effet, hurleront à la trahison, au mensonge. Et parce qu'ils auront perdu l'usage du verbe, ils ne sauront même plus ce qu'il signifiait, et ils hausseront les épaules devant ceux qui leur rappelleront, comme vous le voyez en prenant les armes pour Dana. Ces temps-là ont déjà commencé malheureusement, tout risque de devenir noir et malheureux où l'homme errera à travers les mots de son langage, comme un petit enfant perdu parmi les arbres de la forêt. »

La femme indolente à l'apparence de garçonne s'esclaffe d'un rire franc quand elle voit sa voisine ténébreuse réprimer une grimace. D'une main molle, elle délaisse le narguilhé pour s'étirer et se lever prestement. « Il serait peut-être temps qu'elle rentre chez elle, la p'tite ! Elle a choisi sa voie, de créer dans la lumière, l'ombre attendra ! Il lui faut partir maintenant qu'elle a retrouvé toute sa caboche.» Sans attendre un mot, elle s'éloigne d'une démarche chaloupée, dévale en sautillant les escaliers, et montre finalement quelques signes d'impatience quand elle attend la visiteuse au rez-de-chaussée. Les hommes s'inclinent de différentes manières, laissant les dames de l'assistance saluer Shadee à leur façon. La femme elfe se lève, et la pousse avec douceur vers les marches.
« Nous nous reverrons, Shadee, votre place n'est pas ici pour ce temps. Vous devez bâtir les rêves et leur donner forme par le verbe de l'action. »
« Allez-vous me dire quel est ce royaume ? Et qui êtes-vous ? » Une rire espiègle précède la réponse qu'elle élude.
« Pour le moment, dites-vous que nous sommes des bribes de rêves, l'autre souvenir dont je suis la gardienne, chacun de nous formons un monde, et ce royaume vous le trouverez ici. »

Les lèvres de l'elfe dépose un baiser sur son front de façon maternelle et protectrice. A ce moment, Shadee croit traverser un pont vertigineux, entendre le rugissement des eaux formant une majestueuse cascade, percevoir le vent qui gonfle des voiles déployées vers un nouvel horizon. Mais finalement, elle n'est sûre que d'une chose, le bois de la chaise qui la soutient, l'odeur familière de la taverne, et ses mains qui gardent précieusement les deux écailles de Noir-feu. Oui, elle est sûre qu'elle n'a pas rêvé...

Celimbrimbor | 07/01/10 17:28

Si ce n'est un rêve, cela en a la douceur.

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