Forum - La quête des légendes : Prologue

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Celimbrimbor | 05/03/10 00:44

Il était une fois une route. Un chemin, plutôt. De la terre battue, poussière blanchâtre qui voletait dans l'air sans vraiment se reposer sur le sol, tourbillons légers presque invisibles qui déplaçait un peu de cette poudre de cailloux d'un bord à l'autre, au gré du vent malin qui passait paisiblement, seul voyageur régulier sur ce parcours plus ou moins oublié.

Le chemin n'était pas large. Pas assez pour que deux charrettes s'y croisassent de front par exemple. Fort heureusement, il avait pour bordure deux bandes de mauvaises herbes grasses au milieu desquelles poussaient parfois quelques fraises sauvages et un peu de menthe ou de réglisse. Séparant ces herbes des champs, deux fossés où croupissaient des eaux dormantes donnaient à la scène son caractère olfactif si particulier, capable de faire ressurgir dans l'esprit un peu ouvert mille et mille souvenirs. De loin en loin, quelques frênes et saules égayaient les mornes étendues des jachères éternelles.

Le chemin était long. Démesurément long. Il s'étendait entre les deux horizons et plus loin encore, si bien que jamais personne n'en pouvait apercevoir la fin ou le début. Souvent, les rares passants qui se retrouvaient dessus ne savaient pas pourquoi et cherchaient à le quitter le plus vite possible. Parfois ils marchaient un peu dessus, mais abonnaient bien vite. La chaleur qui cuisait le chemin ou, d'autre fois, les froids obscurs qui y régnaient, décourageaient tout le monde d'y jamais demeurer.

Un jour, sans trop savoir comment, Celimbrimbor s'était retrouvé à arpenter ce chemin. N'étant pas par nature très patient, il avait tempêté après avoir marché une petite centaine de mètres et s'était transporté chez lui d'un sort rapide.
Quelques temps plus tard, encore une fois, il s'était vu de nouveau sur ce chemin, au détour d'un sentier dans les bois, au point exact où il avait disparu l'autre jour. Il avait appelé à droite et à gauche, trépigner un peu, puis était de nouveau parti.
Quand il avait remis les pieds sur ce chemin une troisième fois, le mage avait compris.

Celimbrimbor s'était mis à marcher, avec patience, pour une fois. Quelqu'un semblait le vouloir ici, autant avancer.

Il était une fois une petite fille, toute jeune blonde, assise au bord du chemin, et qui pleurait. Des larmes amères coulaient le long de son délicat visage et laissaient, dans la poussière qui collait à ses joues, des traces sales et peu élégantes. Ses tresses se défaisaient peu à peu avec chacun de ses sanglots et battaient son dos. C'est ainsi que Celimbrimbor, après avoir marché ce qui lui semblait une éternité, vint à la croiser. Elle leva ses pauvres yeux verts dans sa direction et il ouvrit la bouche :

« T'es qui toi d'abord !
-Hein ?
-Va-t-en, t'es pas beau et tu sens pas bon !
-Mais...
-Va-t-en ! »

La petite fille se redressa sur ses jambes et, toujours pleurant, se mit à marteler le torse du mage avec violence. Il disparut aussitôt.

Elle se rassit.

Le temps passa.

Celimbrimbor pesta quand, au détour d'une ruelle, il se retrouva sur la route. La petite fille pleurait toujours.

« Pourquoi t'es revenu ! T'es méchant et t'es toujours pas beau !
-Et toi ? Pourquoi tu pleures ?
-Va-t-en !
-Répond.
-Va-t-en ! »

Celimbrimbor attrapa les deux poignets de la petite fille quand ses poings rageurs vinrent s'abattre sur son torse et il la souleva à bout de bras à hauteur d'yeux.

« Pourquoi pleures-tu ? »

Elle lui décocha un coup de pied dans l'entrejambe qui le fit disparaître. La petite fille roula dans la poussière et se rassis à sa place.

Le temps passa.

« Encore toi ?
-Vas-tu encore me frapper ?
-Tu reviens toujours.
-Crois-tu que cela m'amuse de te voir ? Pourquoi pleures-tu ?
-T'es toujours moche.
-Tu te crois jolie ?
-Mon village a été rasé par une bande d'orcs.
-Ces choses arrivent.
-C'est pas juste !
-La vie n'est pas juste.
-Tais-toi ! Tu sais rien toi ! »

Le poing serré de la petite fille n'atteignit pas l'entrejambe du mage : il avait déjà disparu.

« Tu sais, je vais finir par te frapper moi aussi.
-On frappe pas les filles ! C'est mon papa qui me le dit.
-Ah.
-Et puis m'en fiche ! Je vais mourir de toutes façons !
-Pourquoi ? »

La réponse devait être évidente. La petite fille se remit à pleurer et, lassé, il disparut.

« Tu comprends rien toi. Et t'es moche en plus.
-Tu reverras tes parents.
-Ils sont morts !
-Ces choses arrivent.
-Nan ! »

Il disparu avant même qu'elle ai prononcé le début du mot.

Ses pleurs l'avaient agacé. Il n'aimait pas cela. La prochaine fois qu'il passerait sur ce chemin, il lui offrirait quelque chose pour la faire taire. Il fallait quelque chose qui lui redonnât confiance dans la vie. Quoi d'autre qu'une fleur ? Le mage passa plusieurs jours et nuits à en faire advenir une, la ciselant, unique parmi les uniques, s'effondrant épuisé pour dormir quelques fois. Il y laissa une bonne part de l'énergie qu'il avait accumulé aux cours des siècles précédents, mais il fallait que ces pleurs cessassent.

« Tiens, c'est pour toi.
-C'est quoi ?
-Une fleur. Je l'ai faite pour toi. Tu vas arrêter de pleurer maintenant ?
-Elle est belle.
-Merci.
-Mais elle est triste.
-Pardon ?
-Regarde. Elle est glacée. Elle est pas vivante. C'est triste.
-Mais...
-Elle est comme mon village. Elle existe pas.
-Mais...
-J'en veux pas de ta fleur ! Elle est morte ! »

La fleur se brisa sur la poussière du chemin.

Celimbrimbor reparu dans son bureau, dans son manoir, les éclats de la fleur sur le sol. Elle était morte. Pourtant, il aurait juré... Il la refit, plus vite, cette fois, le processus, déjà réalisé, était plus facile. Pas à pas. S'observant. Et puis, au dernier moment, il comprit. Aucune étincelle. Il faisait mais ne créait pas. Un sourire rageur apparu sur ses lèvres.

« Encore toi ?
-Je viens te dire à bientôt.
-Quoi ?
-Quand je reviendrais, je te donnerais une vraie fleur.
-Une vraie fleur ? Pas comme l'autre ?
-Non. Une vraie.
-Ah.
-Tu m'attendras ?
-Peut-être.
-A bientôt. »

Le mage disparu.

La petite fille regarde à droite, regarda à gauche. La route sembla rétrécir et n'être plus qu'un mince carré blanc dans une mer de ténèbres. Le Tout se redressa.

« Enfin, tu as compris, mon élève. J'attendrais le temps qu'il faudra. Montre-moi que je n'ai pas eu tort de ne pas me mêler de tes trames. Montre-moi que j'ai eu raison de m'aveugler pour toi. »

Il était une fois une route. Un chemin, plutôt. Il n'y avait plus rien.

Plus qu'une nouvelle voie que Celimbrimbor allait ouvrir auprès des éléments, de gré ou de force.

Noir-feu | 05/03/10 12:57

Bel écrit! :)

Baley | 05/03/10 13:19

Finir par le prologue. Voudriez-vous ainsi narguer le Temps ?

Joli cycle.

Neige II | 05/03/10 14:10

joli :)
j'aime beaucoup cette petite fille :)

Shadee | 08/03/10 12:26

joli ;)

Sombrebarbe | 10/03/10 09:35

joli...
belle maîtrise du subjonctif...mais quid du futur simple :D ?

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En mon âme troublée, raisonne un appel...

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