Forum - [La quête des légendes, Special Reissue Edition 11/21] La terre 1/2 : Bataille gagnée, bataille perdue.

Index des forums > Rôle Play > [La quête des légendes, Special Reissue Edition 11/21] La terre 1/2 : Bataille gagnée, bataille perdue.

Celimbrimbor | 08/03/20 13:16

Il faisait frais dans la forêt, mais l'approche des sous-bois accouchait une douceur agréable et je m'y arrêtai. J'avais le temps. Laisser finir l'après-midi comme cela semblait une bonne idée. Et puis entendre la respiration des arbres, la mousse qui bruissait doucement, dans le silence des oiseaux, me plaisait. Oui, autant s'asseoir un peu et attendre. J'étais lasse, du reste, me reposer serait de bon ton.

Tu mens. Ce n'est pas autorisé pour ton projet. Tu me diras ta vérité ou tu n'obtiendras rien.

Il faisait frais dans la forêt et je m'arrêtai dans les sous-bois car le silence attirait mon attention. Quelque chose semblait se préparer plus loin, dans la clairière en contre bas, après. Une atmosphère de menace étrange planait et la prudence s'imposait. Je décidai d'attendre que cette impression se dissipât. Ce que je cherchais m'importait trop pour que je ne le jouasse au hasard. Il ne coûtait rien d'être prudent.

La flatterie ne te mènera nulle part. Ma patience est limitée, méfie-toi. Je pourrais très bien ne pas t'ouvrir les portes.

Il faisait frais dans la forêt malgré la petite brise douce qui remontait de la vallée en contrebas des sous-bois. Elle portait l'odeur de peur des arches maladroitement dissimulés à l'orée. Un guet-apens devait être tendu. Je préférai m'arrêter avant d'être vu et de déclencher un

C'est ta dernière chance. Et ne me menace pas : tu n'as pas ce pouvoir, pas encore.

Je contournais les archers postés en lisière. Ce détour me coûtait du temps mais j'étais en avance et pas trop agacé encore. Ils portaient des livrées laides et criardes qui faisaient tout sauf les dissimuler. Du reste, leur seigneur de guerre ne cherchait pas vraiment à les cacher. Ses connaissances en tactiques se limitaient au nombre et au vague principe de débordement par les flancs. L'important était de ne pas me laisser prendre dans ce petit conflit ridicule : mon temps était précieux. Dans la clairière, les grouillots se regardaient, plus ou moins saouls, plus ou moins effrayés. Le chef d'en face avait dû suivre les mêmes cours d'éducation militaire que son adversaire : du nombre et des coups.

De toutes façons, il ne s'agissait-là que d'une bataille imbécile, une façon stupide de régler un différend ou une affaire de famille tout aussi bête : un champ disputé dans un héritage, une forêt qui changeait de mains. Ces deux lourdauds rougeauds allaient faire s'entretuer une grosse deux-centaines de paysans pour régler une sombre histoire de succession qui fleurait bon la consanguinité ascendante. Ces humains ne laissaient jamais de me surprendre dans leur bêtise. Autant ne pas me montrer, ils risquaient de vouloir s'unir contre moi. Enfin. Le spectacle serait divertissant, peut-être. En tout cas, il fallait qu'ils aient fini avant le soir. Je m'assis.

C'est tout ?

Quoi ?

Tu t'assois et tu attends ?

Eh bien.

Rien. Nous verrons. Cette histoire n'est pas encore finie.

Les soldats passaient de l'excitation à la nervosité, qui est la même chose mais plus froide, plus longue. Ils ne rivalisaient plus d'insultes, préférant se toiser dans un silence relatif. Ils réalisaient qu'au prochain cri des machins qui leurs tenaient lieu de chefs, ils iraient se jeter les uns sur les autres. Le temps passait avec l'après-midi, lent. Un des meneurs manquait. Une brute, blonde, à la barbe sale et aux biceps plus importants que le sens de l'à-propos. Il était occupé à folâtrer dans sa tente et l'autre côté préférait respecter les politesses et attendre.

Qu'aurais-tu fait, Dublis ? Non, c'est une fausse question. Tu aurais dépêché un bref détachement dans la forêt pour abattre discrètement les archers et poster tes tireurs de chaque côté. Quant à la politesse, à la guerre. Je me souviens des protestations de cet abbé guerriers furieux que tes mouvements en plein pendant son heure de prière. Vitesse, mobilité et précision, en art martial comme en stratégie. Tout l'opposé de la magie, et du gouvernement, un peu. Tu ne m'as jamais laissé. Non : je n'ai jamais réussi à te battre sans tricher. Aucune surprise, là-dedans.

Cette bagarre pathétique aurait été terminée avant même d'avoir commencé. Qu'aurais-tu fait ? Sans doute un raid ? Non plus. Tu n'aurais déjà pas accepté l'engagement dans cette clairière, ou seulement comme prétexte pour pouvoir harceler les troupes adverses sur leur chemin. Elles seraient arrivées dans cette cuvette épuisées et démoralisées. Peut-être même aurais-tu réussi à abattre leur meneur avant le combat. Et tu te serais retiré, attirant à ta suite les soldats dans les bois pour les frapper incessamment ? Je ne sais pas. Probablement tout autre chose, parce que telle était ta façon.

Ils décidèrent de s'y mettre au milieu de l'après-midi et le début de l'engagement fut timide. Passé le premier choc

Aucune cavalerie. Juste une infanterie hétéroclite et légère pour faire office de tampon. Tu aurais détesté cette manière de faire la guerre.
ils commencèrent à se taper dessus mollement. Ils étaient trop saouls. Ces imbéciles avaient trop bu. Ils frappaient avec lenteur, aucun coup vraiment assuré, vraiment dirigé. Les morts du contact initial se vidaient esseulés sans que personne ne vînt les regarder ou, seulement par hasard, au moment de marcher dessus. Il fallut près d'une heure aux deux camps pour s'apercevoir que cela ne rimait à rien et ils battirent chacun le rappel et le regroupement. Ils allaient recommencer depuis le début, après avoir crié un peu sur leurs ouailles pour leur remonter le moral, qu'ils s'entretuassent enfin proprement.

Une demi-heure. Ils hurlèrent une foutue demi-heure. Pour déblatérer des âneries, les antiennes de l'honneur, de la gloire du combat, les regards de leurs ancêtres et la fierté de leurs enfants. Crétins. Quel enfant préfèrerait un parent mort à un parent vivant ? Ils voulaient juste du sang, en vérité. Que l'herbe piétiné puât les entrailles et la rage. Une sorte de potlach abruti et vain. Une oblation insensée. J'étais sans doute bien en-deçà de la réalité quand je pensais à une querelle domaniale. Vus les deux chefs, ce serait plutôt des orgueils blessés. Une femme ?

J'aurais peut-être dû profiter de ce redoux pour traverser. Le soleil frisait les canopées. Il faudrait qu'ils se dépêchassent mais ils ne semblaient pas en prendre le chemin. Ils frappaient plus fort depuis les harangues mais cédait à cette répugnance à tuer le copain d'en face. Ils se connaissaient, buvaient dans les mêmes auberges, fréquentaient les mêmes femmes, fréquentaient les mêmes hommes. Tu m'en avais parlé, un jour, me disant que notre grande chance avait été de ne jamais affronter d'autres elfes. Nous considérions l'humain comme une créature inférieure et indigne : les abattre ne nous posait aucun souci. Cela aurait été difficile d'exterminer nos semblables.

Bien. Assez. Il se fait tard et mon temps touche à sa fin. Je me levai. Il faudrait traverser la mêlée mais avec une petite tricherie, je devrais être suffisamment imperceptible et, surtout, ils étaient trop concentrés sur autre chose. Tout à l'heure, passé dans le champ vide aurait été risqué. Surtout pour eux. Maintenant qu'ils sont occupés, j'éviterai les gouttes. Je paradai un instant devant les arbres, le sort déployé : ils ne me voient pas. Parfait.

Oui. Montre-moi. Je m'impatientais.

L'important, c'est de bien trouver l'entrée sans trop hésiter. Là. Je me faufile entre le bouclier d'un soldat en vert et son adversaire en rouge qui recule. Ils puent. Plus la peur et la sueur que le manque d'hygiène. J'avance, ils ne me voient pas, encore une petite trentaine de mètres. Là-bas, un archer tend sa corde et vise le chef d'un des deux camps. Elle me manquera et elle n'est pas sur mon chemin. J'enjambe les entrailles (un intestin) d'un cadavre et j'évite sans trop la voir une hache qui s'abat. Presser le pas serait une bonne idée mais cela signifie changer le chemin. J'esquive la fente d'une lance d'une torsion du buste. Oui, cela ira, je ne suis plus très loin et j'ai presque lu jusqu'au bout. Je tourne autour d'un soldat qui opportunément reçoit le fer d'une épée que je ne pouvais pas éviter, il mourra un peu plus tard. Je me baisse pour passer sous un coup de taille. Cinq mètres encore. Une volte, un pas de côté, l'haleine d'un guerrier sur la joue. Ils ne me voient toujours pas. Presque. Les deux derniers mètres vont être compliqués, il me manque la fin et le risque commence vraiment-là.

C'est un blessé qui agonise, juste sous moi, derrière ma jambe gauche, alors qu'il ne me reste que deux, trois pas, qui m'aperçoit. La mort lui décille les yeux, sans doute. Et la galvanisation de son chef lui donne une dernière force. Il plie le bras, le détend, frappe en direction de mon mollet gauche, au niveau du tendon, sûr de le trancher et de me faire chuter. Je ne crois pas que l'arme me touche. Elle s'arrête, par force, juste avant.

L'instant d'après, plus rien ne vit autour de moi. Plus rien d'humain, en tout cas. Ah. Si. Quelques fortunés lâches étaient trop loin pour avoir été touché. Je les abats d'un sort distrait. Tant pis pour eux.

Ah oui ?

J'y étais presque. Il aurait suffi qu'il ne me vît pas, qu'il regardât ailleurs et

Et donc, tous ?

Défense réflexe. Et les survivants créent du ressentiment, des vengeances. Autant éviter cela.

Tu viens de commettre un crime massif.

Ne me parlez pas de crime massif.

Regarde ces cadavres autour de toi. Ils avaient

une vie, je parie ? Bien sûr ! Une vie, une famille, un avenir. Oui, je viens de couper le futur de toute une vallée champêtre. Évidemment que je le sais. Et après ?

Après ? Rien. N'oublie pas. Toi qui marches ce chemin, n'oublie pas.

Je n'oublie rien, jamais.

Que tu penses. Avance. Les portes te sont ouvertes.

Edité par Celimbrimbor le 08/03/20 à 13:17

Celimbrimbor | 08/03/20 13:18

Comme toujours, l'originul : [Lien HTTP]

Merci à ceux qui lisent.

Nerdash | 27/03/20 09:41

Merci pour ces textes, au passage :)

Index des forums > Rôle Play