Forum - 3- Entre deux mondes

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Dame Auklèce | 19/04/08 19:22

Prologue: Ephémère: [Lien HTTP]
1- Tempêtes Intérieures:[Lien HTTP]
2- Pendel Haven: [Lien HTTP]

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Je ne me rappelle plus vraiment comment je suis arrivée ici, des images diffuses reviennent à mon esprit quand il devient un peu plus clair. Entre l'éclat des éclairs qui déchirent le ciel nocturne, je vois Eliel qui me déshabille tout en me parlant, il m'allonge près d'un feu qu'il a allumé dans cet endroit que je ne discerne pas, il n'a rien pour me couvrir sinon des affaires humides qu'il a étendu non loin des flammes. Il semble inquiet, sa bouche bouge mais je ne capte pas les sons qu'elle produit, je n'entends rien. Je le vois s'enfoncer dans l'obscurité en me jetant un dernier coup d'oeil et en me faisant un signe de la main. Où il va ? Je ne sais pas. Je ne pense pas qu'il me livrera et rejoindra le Sire Ladislas, je n'ai même pas le temps d'y penser que je sombre dans le néant le coeur aux bords des lèvres.
Au loin, la pluie martèle le sol, dans mes songes, elle se matérialise par des centaines de sabots qui foncent vers moi, l'Homme en Noir et Inna à leur tête. Le tonnerre résonne dans ma tête et remplace le feulement du fauve qui se jette sur moi toutes griffes ouvertes pour me déchiqueter.
-NON !

Eliel est de nouveau là, penché au-dessus de moi, je me redresse en sursaut mais la douleur affreuse que je ressens à la cuisse me plaque contre le sol, mes poings se serrent, mon dos se cambre, ma mâchoire se crispe alors que ma respiration n'arrive pas à s'apaiser à cause du feu qui ronge mes veines. Les mains puissantes de l'homme ailé me retiennent et relâchent leurs prises lentement quand il voit que la crise se passe. Entre deux souffles, je lui demande :
-Qu'est-ce... qu'il...m'arrive ?

Il appose un cataplasme sur ma cuisse touchée par la lame d'Inna l'Ajah, je ne la vois pas et je ne préfère pas à la perception de l'odeur putride qu'elle dégage. Je ne capte pas tous ses mots, je me concentre ses lèvres :
-Tu as été empoisonné, la lame des Ajahs contient du poison. Encore un détail de cette caste pour ne laisser aucun adversaire en vie...

Empoisonnée ! J'ai horriblement froid et pourtant mon front perle de sueur. Eliel retire ses vêtements humides et s'allonge à mes côtés pour rajouter sa chaleur corporelle à celle du feu dont les flammes se reflètent dans mes iris dilatées fixant la sortie d'une grotte semble-t-il. Son corps est chaud et doux, son bras qui m'entoure me sécurise, je sais à partir de ce moment que nous serons inséparables. Il tente d'apaiser mes tremblements, le son de sa voix me permet de rester sur les berges de la réalité. C'est alors que je discerne dans la nuit, une louve blanche se découpant de l'obscurité par sa propre lumière qui émane d'elle. L'animal tient dans sa gueule ma parure de tête perdue durant le combat, dans mon esprit résonne la voix d'une femme, celle de Méresânkh « Auklèce bat toi et tu vivras ! ». Je la vois qui me fixe pendant quelques secondes avant de s'enfoncer dans les bois noyés de ténèbres, je fixe ce point blanc jusqu'au dernier instant avant de perdre à nouveau connaissance. Je ne sais pas si je délire ou si la louve était réellement là.

Le nouveau jour se lève enfin, j'ai mal partout et la douleur irradie de ma blessure à la cuisse, je n'ose plus bouger, j'ai trop peur de m'évanouir à nouveau, j'ai tenté de lever la tête afin d'apercevoir la gravité de la plaie, ma jambe n'est plus qu'un morceau de chair bleue accrochée à un corps dont les veines ressortent étrangement en marbrant une peau laiteuse.
Mon gardien se dirige vers les vêtements qui ont séché et me rhabille. Chaque mouvement me tire un gémissement et un hurlement qu'il étouffe de sa main quand il veut me passer mon pantalon. Les yeux remplis de larmes je lui saisis la main, je ne supporte plus les douleurs corporelles, j'ai l'impression d'être retournée dans mon cachot de tortures :
-Tue moi !

Il ne répond rien et me pose son index sur ma bouche avant de mettre un bâton entres mes dents. Je dois me taire, ne pas attirer la moindre attention vers cette grotte qu'il a rapidement camouflée. Le cheval n'est plus là, Eliel a dû le laisser retourner vers le Sire Ladislas dans l'espoir peut-être de faire croire à ma mort. Il dépose un baiser sur mon front et retourne dans son projet d'enfiler le bas de ma tenue. Je prends sur moi en figeant mes ongles dans la terre et en mordant le morceau de bois qui craque entre mes dents. La souffrance fait danser le monde autour de moi, je rouvre péniblement les paupières. C'est trop dur, je vais mourir à petit feu, Inna doit savourer sa victoire même si elle a échoué en ne m'ayant pas totalement sous sa coupe. Je sais qu'elle cherchera mon cadavre afin d'être sûre de son succès.

J'ai envie de pleurer, mais je suis tellement horrifiée que je ne peux pas, je suis libre même si je suis une fugitive, et une nouvelle fois je navigue sur les rives de la Mort. Eliel m'a laissé seule avec mes pensées, quand il revient, un lièvre pendouille au bout de son bras.
-Tu dois manger Auklèce.

Il referme l'issue avec les quelques branchages barrant la luminosité. A l'aide de sa dague, il éviscère le gibier, l'odeur est trop forte et mon estomac proteste. De violents hauts de coeur secouent mon ventre mais je ne dégurgite rien. Eliel arrive près de moi, et tente de me faire boire un peu d'eau de sa gourde pour me calmer. Il me caresse les cheveux tout en me dévisageant gravement :
-Mon cataplasme ne fait rien Auklèce. Seul les Ajahs connaissent l'antidote à leur poison. Je vais devoir te couper la jambe avant qu'il ne soit trop tard.

Je détourne mon regard du sien pour le fixer n'importe où :
-Je préfère mourir !
Il ne m'écoute pas et continue sur sa lancée :
-J'ai acheté de l'alcool au hameau non loin d'ici, je suis désolé mais il le faut. Je t'amènerai chez moi à Astria ensuite. Personne ne nous atteindra là-bas. J'ai une dette envers toi.

Il me laisse seule avec mon désespoir et quitte la grotte pour vider le lièvre à l'extérieur. Je regarde autour de moi dans l'espoir de voir une arme, s'il ne veut pas me tuer, je le ferai moi-même en m'enfonçant n'importe quelle lame dans le coeur. Je cherche du regard l'épée que la prêtresse de Pendel Haven m'a offerte, elle est posée contre la roche à l'opposé d'où je suis. J'entreprends de me traîner jusqu'à elle. La douleur est affreuse, j'ai l'impression que ma jambe part en lambeau à chaque mouvement. J'y suis, je tends la main vers elle, mais un son strident me ravise et me fait plaquer les paumes sur mes oreilles, une lumière vive m'aveugle tandis qu'une voix gronde en moi :
« Auklèce bat toi et tu vivras ! Cette épée ne signera pas ta mort ! »

Le mur de pierre en face de moi ne soutient plus aucune arme, mon poing frappe durement le sol et je m'écroule sous le poids de la fatalité. Eliel se précipite et regarde dans la grotte, il ne saisit pas pourquoi je me suis traînée jusqu'ici, il me soutient contre lui et me dit d'une voix douce de me calmer, que tout ira bien. Il m'offre un morceau de viande sanguinolent même si ça me répugne, je le suçote et l'avale plus que je ne le mâche. Je n'ai donc pas le choix, je vais vivre mes dernières heures si je n'ai pas le droit de choisir ma propre mort.

La nuit s'est parée de son manteau étoilé, la lame est chauffée à blanc et l'alcool a soulagé ma douleur même si tout tangue autour de moi, Eliel resserre un peu plus le linge qui comprime ma cuisse, il me replace le bâton entre les dents. Il saisit le manche de sa dague, je ne peux m'empêcher de scruter tous ses mouvements avec horreur même s'ils me donnent la nausée, il me regarde en tentant de sourire, je lis sur ses lèvres:
-Ca va aller...

Edité par Dame Auklèce le 19/04/08 à 20:48

Noir-feu | 19/04/08 21:31

Très beaux textes, j'attends la suite avec une certaine impatience.;)

Bart Abba | 28/04/08 16:34

Pfiuuu, j'ai failli louper cet épisode. :b :b :b

Elenna Celebrindal | 01/05/08 00:09

Je suis aspirée par vos écrits ! J'espère que la suite arrivera au plus vite.

Dame Auklèce | 02/05/08 16:45

Je suis sur un bateau en pleine tempête chahuté violemment par les vagues d'une émotion écumant mon esprit d'une rage folle. Impuissante, voilà ce que je suis, impuissante face à ma destinée et à ma mort. Et cette horreur qui me nourrit prend des notes pernicieuses de véritable terreur quand la lame rougit s'approche de ma cuisse. Je dois être forte, je dois calmer ce coeur qui bat à tout rompre, cette respiration affolée qui m'asphyxie plus qu'elle ne m'insuffle la vie. Je maudis aussi cet alcool absorbé à trop haute dose qui déforme la moindre de mes perceptions. Non loin de moi, le cadavre de la bouteille de rhum gît comme un message jeté sur la mer du désespoir, elle semble symboliser mon propre sort quand je me serai vidé de mon sang. Je maudis Eliel, je maudis cet être ailé, je lui en veux sans savoir vraiment pourquoi, si je pouvais lui arracher ce bras qui va commettre cet acte, je le ferai sans hésiter.

Des perles salées roulent le long de mon visage en dessinant des sillons sur mes joues poussiéreuses. La morsure de cette lame contre ma chair mortifiée est telle que le morceau de bois que je serre entres mes dents tombe piteusement pour rouler un peu plus loin de moi quand un hurlement venu du fond de mes entrailles perce la nuit et surprend la lune étonnée qui préfère se cacher derrière un voile brumeux. Les ténèbres envahissent mon esprit, ma vue se brouille et mon torse soulevé par ce cri retombe lourdement contre le sol.

Le navire tangue, les sirènes de la mort chantent mon trépas, je vais sombrer dans des abysses aux eaux glaciales et obscures. Dans le tourbillon qui m'emporte, je perçois le léger éclat lumineux d'un bijou à moitié enfoui sous la terre reflétant les flammes du foyer comme le phare d'un espoir qui semble inaccessible. Je ne pensais pas que mon bras pouvais être si lourd et ma voix si absente après le son qu'elle vient de libérer. Je tente de montrer la direction à Eliel qui s'est paré d'un masque d'horreur résignée celle d'un point de non retour.

-E..liel..

Il ne veut pas m'entendre, il ne veut pas me regarder, il ressert sa prise sur ma jambe qui n'est rien qu'un morceau de viande, et s'apprête à replonger son arme dans l'entaille sanguinolente.
Je tente dans un dernier espoir de sortir un son avant de perdre connaissance :
-Eliel...là...

Mon doigt se pointe, vers la sortie de la grotte, ma dernière vision aurait pu se poser sur ma parure de tête, mais je ne vois que trois silhouettes habillées sinistrement d'ombre et de lumière. Ils semblent si satisfaits de la scène qu'ils contemplent. Inna sourit de façon tranchante, le Sire Ladislas dans sa beauté sombre prend un air de pitié tandis que l'Homme en Noir ne véhicule aucune expression. Je perçois Eliel se redresser brusquement avant que les voiles noires ne m'entraînent sur les flots d'un entre deux mondes.

*
Je flotte dans une demie conscience enivrante, où la douleur et la peur me sont étrangères, je suis en paix, ce vide qui m'entoure ne me fait pas peur, l'obscurité ambiante de ce lieu invisible m'apaise plus qu'il ne m'inquiète. Je suis détachée de toutes les choses corporelles qui secouent l'âme pour la tordre dans ses dernières limites. Je me laisse porter par ce flot qui me berce, quelque chose m'éblouit, quelque chose m'attire... Un serpent lumineux vogue à contre courant, je suis sa proie dans cet océan où nulle âme ne m'accompagne. Il ondule en déployant milles couleurs si attirantes, j'observe ce spectacle, hypnotisée, il me fascine d'autant plus quand cette chose se redresse dans toute sa splendeur en ouvrant sa gueule pour m'engloutir.
Les particules de lumière m'entourent, glissent et s'immisce dans mon être, je vis comme je ne me suis jamais senti vivre. Un raz de marée d'une puissance inouïe me ramène sur les berges de la vie.
Je suis !

*

Plus rien ne tangue, tout semble si limpide dans ce torrent de magie qui a emporté toutes mes peines. Je suis toujours allongée sur le sol, une mare de sang s'est répandue autour de moi, au niveau de sa source ensanglantée, un miracle se produit. Petit à petit, les chairs se resserrent, les cellules organiques reprennent leur place comme si elles n'en avaient jamais été délogées. Mes veines qui marbraient mon corps bleuit s'estompent peu à peu sous ma peau qui reprend son élasticité naturelle. Ma respiration est calme et pousse harmonieusement ce flux de pouvoir qui s'infiltre dans mes chairs meurtries pour en effacer totalement les blessures.
Peu à peu, j'entends le bruit d'une lutte qui me fait ouvrir lentement les paupières. Je dirige mon attention vers les chocs métalliques, ils me prennent pour morte, il devrait plutôt me prendre pour une inconsciente.

En me levant, je sens dans mon poing ma parure de tête qu'Eliel a dû réussir à me donner avant la lutte. Doucement je l'accroche dans mes cheveux, le visage d'argent se balance entres mes sourcils en fixant mes poursuivants de façon inexpressive mais si dérangeante. Je souris quand je vois que le temps s'est figé avec les expressions désappointées et anxieuses des trois assaillants d'Eliel. Ce dernier aussi stupéfait en profite néanmoins pour charger Inna de sa dague mais cette guerrière redoutable se décale à temps pour éviter que son coeur ne soit transpercé pas la lame affûtée mais pas assez pour que les tendons de son épaule soit coupés dans une terrible douleur.
Le pouvoir me parcourt en torrent, je perçois les moindres gestes de façon précises, si précise que je peux les prédire par une intuition exacerbée. Je sens une vague de chaleur qui est portée au rouge puis au blanc, tel un miroitement qui aurait fondu la pierre, transformé l'acier en vapeur et fait s'enflammer l'air. Paradoxalement le froid s'accentue en moi, au point que mon souffle paraît transformer mon coeur en un bloc de glace.

Le sire Ladislas tend les bras vers moi, heureux de cette transformation, je l'entends sans vraiment percevoir ses mots, il semble si éloigner de mon ouïe :
-Auklèce, tu es celle que j'attendais ! Tous deux nous allons conquérir le monde et asseoir notre pouvoir.
L'homme en Noir sort cette chaîne noire prise d'une vie propre, elle ondule sur le sol alors que le visage d'Inna se transforme par une haine palpable, blessée, elle prend le parti de se replier.

J'ai envie de rire mais je n'en fais rien, j'avance à pas lent vers eux sans les quitter du regard. Au loin une louve blanche hurle à la lune que je suis plus que jamais en vie, plus que jamais morte. Mentalement Méresânkh me remet de nouveau cette épée qui restera à jamais ma compagne de combat. Elle se matérialise aussitôt dans ma main comme si cela avait toujours été le cas. Elle est le prolongement de mon âme, ensemble nous danserons en nous jouant de la mort. Je la lève au-dessus de ma tête en me mettant en position de combat, prête à recueillir les assauts du sire qui a perdu sa confiance habituelle. Il pose sa main sur l'avant-bras de son complice qui range aussitôt la chaîne noire. Il rengaine son arme :
-Tu reviendras vers moi Auklèce ! Ton pouvoir va te tuer...

Le Sire me dévisage dans un émerveillement qui lui suscite cependant une crainte suffisante pour lui faire quitter la grotte en compagnie de L'Homme en Noir. Des bruits de sabots s'éloignent. J'ai gagné une bataille.

Noir-feu | 02/05/08 17:04

Magnifique, toujours, ma Reine.;)

Vicomte Büntorg | 09/05/08 12:45

Très agréable lecture. Vivement la bataille suivante !!!

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