Forum - Une fin
Index des forums > Rôle Play > Une fin
Carlyle | 26/08/07 15:13
C'est le premier pas qui compte, c'est lui qui vous définit.
Naître dans une famille à peine noble et complètement désargentée n'avait pas été une partie de plaisir. Surtout étant cadet. Il avait très vite compris que la chance n'était pas avec lui. Il n'était, d'une certaine manière, pas né sous la bonne étoile. Mais il lui avait fallut le temps, tout de même, pour comprendre toutes les conséquences de cette naissance infortunée. D'abord, il avait étudié, plus que son aîné. Il savait lire, écrire, compter, dénommer les étoiles, les constellations. Il savait et il avait cru que cela suffirait.
Grossière erreur. Le deuxième pas n'est jamais vraiment plus facile que le premier. Les lueurs, tremblotantes pourtant, l'aveuglent un instant. Il cesse d'avancer, et le grognement du cerbère derrière lui signifie clairement que ce n'est pas une bonne idée.
Sa mère, les cieux gardent son âme, lui avait expliqué, passé son onzième anniversaire, avec force brimades et privations, que savoir était accessoire. Il n'était pas l'aîné, il n'était pas de bon ton qu'il brillât plus que son frère. Conséquemment, quand il fut en âge de porter une épée, elle le fit envoyer dans une maison plus pauvre encore, où il fut encore plus mal traité. Son père, sans trop de force, protesta, pour la forme, mais, comme toujours, préféra s'enfermer dans son bureau pour pousser plus loin ses études. Les affaires de sa famille ne l'avaient malheureusement jamais trop concerné. L'enfant, jeune encore, mais adulte déjà, d'une certaine façon, voyagea de nuit, dans le froid, puis de jour, dans la neige fondante. Il avait appris la deuxième leçon de sa vie. Avancer. Tant que l'on avance, tout va bien, n'est-ce pas ?
Il trébuche, mais ses yeux lui font moins mal. Il ose alors les lever, et son horizon, s'il reste gris, est moins sombre. Toujours les mêmes affreuses pierres qui ont connu le sang de maints et maints prisonniers, leurs ongles, aussi, qu'il voit planté par endroits, dans les interstices. Il voit, et son regard est évidemment aspiré par l'ouverture, la porte lourde de bois, fermée encore, pour le moment. Les silhouettes imposantes des deux gardes devant lui ne cachent rien. Et l'espoir fait un bond désespéré dans son coeur. Après la porte, en étant suffisamment rapide, il suffirait de monter les escaliers dissimulés derrière la statue du fondateur, dans la cinquième coursive. Surtout, prudence dedans, certaines pierres masquent des pièges. Un coup de hampe dans le dos lui fait accomplir son troisième pas.
Sa famille d'accueil avait été une expérience intéressante. Brève. Mais intéressante. Ils l'avaient attelé à toutes les corvées, et même si bien né, son statut était inférieur à celui de la domestique de toute la maisonnée. Il avait reçu des coups, il avait été battu bien plus souvent qu'à son tour, mais, après tout, si l'on sourit, tout va bien, non ? Et puis, quand il eut seize ans, une goutte fit déborder le vase de sa patience. Il avait déjà attenté huit fois à sa vie. Huit fois, le maître du domaine l'avait retrouvé, agonisant. Huit fois il avait été amené chez un sorcier. Huit fois, il avait été sauvé. Et battu. Mais rien ne l'avait préparé à ce que son maître débarquât dans sa chambre, fin éméché. Bien sûr, il l'avait déjà vu complètement soûl, et les bastonnades avaient été cruelles, mais jamais à ce point. Sa mémoire, bienfaisante, se permettait un trou bien à propos, à cet endroit. Mais lors de cette nuit, il savait que son maître était mort, saigné comme un porc, et que lui avait fuit.
Il pose son pied sur la première marche de l'escalier. Le souffle chaud des gardes derrière lui le dissuade de se retourner pour voir la porte qu'il entend claquer. La cinquième coursive est loin déjà. L'espoir fait grise mine. Pourtant... Ils sont en armure lourde, il ne porte qu'un pagne. Ils sont jeunes, il avait prévu de se retirer après sa dernière mission. L'espace, dans les escaliers, est réduit. Ils ont des lances. Pas le plus lourd modèle, mais pas le plus maniable non plus. En grimpant, il vérifie si l'écart des fers qui enserrent ses pieds est bien celui qu'il a passé des heures à calculer. Il a suffisamment de jeu. Ils sont clairement désavantagés. En outre, ils n'ont pas l'air de savoir travailler ensemble. Cela s'entend, en plus de se voir. Il carre les épaules. Pas loin de quarante années d'expérience de combat commencent à rugir en lui. L'adrénaline monte lentement, et ses muscles se délassent, et se tendent, en rythme, près à soutenir l'effort. Il consulte sa mémoire physique. Cent soixante-huit marches. Vingt-cinq de gravies. Il doit agir vite. Le seul passage secret qu'il connaît dans cet escalier se trouve dans dix marches, au niveau du coude, là où ni en bas ni en haut n'aperçoivent rien.
Il avait échoué dans une ville, grelottant, en pagne, pieds nus. Evidemment, un jouvenceau dans cet état, cela avait intéressé beaucoup de monde. Et ses premières semaines avaient consisté en une fuite ininterrompue. Passant d'une cachette à l'autre, esquivant les rafles de la milice, esquivant les marauds affamés de chair fraîche, esquivant les vendeurs d'esclaves et les chasseurs de tête, volant pour se nourrir, par conséquence se nourrissant mal. Pendant deux mois, il avait survécu bonan malan, sans trop perdre de plumes. Et puis il avait volé la mauvaise personne. Au début, il avait cru que ce n'était qu'un guerrier comme un autre. En armure complète, et avec une épée impressionnante, mais quelconque. Aussi avait-il dépensé à bon escient les lourdes pièces d'or que contenait la bourse de l'homme, sans faire vraiment attention. Quelques jours plus tard, trois costauds l'avaient réveillé, un sourire aux lèvres, et avaient décrété qu'il allait lui falloir rembourser le Haut Connétable. Ainsi avait-il intégré la Confrérie Blanche, à seize ans et quelques mois, soit environ deux fois plus âgé que les novices. Son retard était énorme. Son avance était impressionnante. Sa soif de vivre, sans égale.
Edité par Carlyle le 26/08/07 à 15:13
Carlyle | 26/08/07 15:14
C'est cette même soif de vivre qui l'anime quand il saisit la hampe de la lance du premier garder, et que, bandant ses muscles, il use de celle-ci comme d'un levier pour envoyer le paladin sur l'autre cerbère, derrière lui. Surpris, les quatre hommes réagissent avec vivacité. Mais pas assez. Celui à la gauche de Richar lâche sa lance et son dernier soupire quand la pointe de celle de son condisciple lui perce le ventre. Pas encore une seconde d'action, et un est définitivement hors-jeu. Il faut s'occuper du seul encore debout, en espérant que les deux autres se soient cassés quelque chose en tombant. Il grogne et ne laisse pas le temps à son adversaire de se décider entre lance ou épée à deux mains, et lui saute dessus, aplatissant le fer contre le mur avec son dos. Il serre la chaîne reliant les fers de ses mains, et étrangle le paladin avec force. Les cervicales craquent, l'autre tombe, mou comme une poupée de chiffon. Manque de chance, les deux autres se relèvent. Mais le temps qu'ils mettent, démesurément long, à reprendre leurs esprits, permet à Richar de s'emparer de l'épée de feu son adversaire. Ils l'avisent, et, sans trembler, avancent vers le meilleur paladin qu'ait jamais compté en ses rangs la Confrérie Blanche, Ser Richar Geburah. L'issue fatale ne tarde pas. Même attaché, il en vaut des centaines comme eux. Leurs armures, qu'il connaît par coeur, ne les protègent pas de ses coups, et ils tombent. Richar rend son arme au cadavre, et reprend son souffle. Une minute de combat. Il pousse la pierre adéquate, et s'efface dans le passage, pour prendre un peu de répit, et peut-être, un espoir de liberté.
Du répit, il n'en avait pas eu pendant les années de sa formation. Vu son âge, on lui avait immédiatement dit que sa meilleure amie serait, pour les quatre années à venir, la douleur. Cela s'était avéré. Il avait sué sang et eau pendant ces quatre années. Il avait appris les devoirs du paladin, il s'était forgé une conscience. Son corps était devenu une arme. Il avait couru, mangé, dormi, combattu avec son armure de plate complète, par tous les temps, sous les durs commandements d'un paladin plus vieux. Il avait lustré son armure, il l'avait amélioré, et avait conçu lui-même son épée, comme tous les autres. Les deux premières années furent les plus terribles : il lui avait fallu rattraper tout son retard, tant physique, qu'autre. Ses maîtres, qui le voyaient exceller dans les lettres, dans le savoir, avait un instant douté qu'il puisse combler ses lacunes. Pourtant, il avait réussi, et dès lors, terminait premier dans tous les exercices, ne cédant rien devant personne. Le seul qui n'eut pas à gagner son respect fut le Haut Connétable, qui l'avait, indirectement, tiré de la rue, tiré des griffes d'une mort certaine. Richar avait tôt décidé qu'il mourrait et vivrait sur un mot de lui. Tel était son devoir de paladin. La foi importait peu. L'idéal importait peu. La noblesse était affaire des nobliaux qui intégraient la Confrérie pour la gloriole. Seul comptait l'objectif : repousser les avancées de Carlyle, à tous les prix. Et si Richar avait déjà payé plus que son comptant dans sa jeunesse, il allait mener un combat bien plus rude, sur tous les fronts, pendant quarante années, et presque toujours seul.
Le passage secret débouche dans le bureau privé du Haut Connétable. L'ascension depuis les caves n'a pas été une partie de plaisir. Il avait jeté les corps loin, de façon à ce que seuls les vieux de la Confrérie devinent son échappatoire. Son crédit temps, néanmoins, fond à vue d'oeil. Il s'assoie sur la chaise de Garrigan, et respire. Longuement, lentement. Tout cela est bien beau, mais maintenant, quoi ? Maintenant, où ? Il entend, par la fenêtre ouverte, les rumeurs de la foule assemblée dans la grande cours pour assister à son exécution. Le bruit de sa fuite ne s'est pas répandu, personne ne hurle. Son regard vagabonde sur le lourd meuble en ébène brut, sa main effleure la table massive, effleure quelques parchemins. Il n'a jamais été trop curieux. Mais il a toujours été fidèle. La décision du Haut Connétable mérite explications, et investigations. Il ouvre tous les tiroirs, pas vraiment en silence, pas vraiment en ordre, et fouille. L'avantage avec cette pièce du chapitre, c'est qu'elle ne peut être ouverte que de l'intérieur, ou par son propriétaire. Il renverse les étagères de la bibliothèque, opère un véritable massacre. Son enquête, pourtant, est minutieuse. Il cherche, mais ne sait pas ce qu'il doit trouver. C'est pourquoi, quand il descelle les doubles fonds des tiroirs, et qu'il y trouve la correspondance privé du maître de la Confrérie, il se rassoie, et l'examine, ainsi que la boite d'un blanc immaculé. Le sceau et la signature de Carlyle sont visibles sur les deux. Un "c" complexe, entremêlé, et d'une limpidité pourtant flagrante. Frustrant, comme tous les indices laissés par Carlyle. Richar ouvre la boite. Effectivement, si les membres de la Confrérie venaient à apprendre le vice si particulier du Haut Connétable, ils frémiraient. Il réprime un haut-le-coeur, referme la boite et se replonge dans sa lecture.
Il était très vite devenu l'idéal type de la Confrérie, l'exemple à suivre pour plusieurs générations de paladins à venir, et même pour certains anciens. Sa réputation avait explosé le jour où il était revenu, victorieux, d'une mission que personne n'aurait pensé le voir réussir. Il avait franchi le haut portail du chapitre avec la tête du démon traînant derrière lui, tirée par les cornes. Son armure était en lambeaux, quant à son épée, seule la poignée dépassait de l'oeil du démon. Il boitait légèrement, mais il était vivant. Vivant et fort. Sans orgueil, il déposa son trophée au pied du Haut Connétable, salua avec raideur, et retourna dans sa cellule pour se reposer et récupérer de ses blessures. Ironie suprême, il avait été le seul absent du banquet organisé en son honneur, et avait refusé les distinctions. Il n'agissait pas pour la gloire. Il remplissait son devoir, et peu importe si ainsi, il gravissait des marches dans la hiérarchie de l'ordre. Il ne demandait rien à personne, et beaucoup le haïrent pour cela, mais quoi ? Il continuait à avancer, sans vraiment regarder devant lui, ni derrière. Son aura, plus le temps passait, augmentait. Il finit même par siéger, de manière informelle, au Conseil. On lui confia de moins en moins de missions, mais toujours les plus dangereuses, il commença à errer tout seul, chevalier solitaire, à battre la campagne, laissant ses pas le mener au hasard. Les attaques de Carlyle s'étaient un peu ralenties, et, à sa grande surprise, il se retrouvait oisif, à entraîner les jeunes recrues, à dessiner le patron d'une armure impossible, à imaginer un nouveau style de combat. Et puis, à l'impromptu de ses errances, il avait rencontré Carmickaël.
Carlyle | 26/08/07 15:14
Il faut qu'il se déplace. Qu'il s'échappe. Garrigan n'est pas le seul à tremper dans cette conspiration. Richar est sans allié. Il lui faut, plus que jamais, fuir. Absolument. Sa nouvelle mission est claire. Il range le bureau, et les premières clameurs de rage de la foule l'atteignent. Le temps presse, et une seule sortie possible. Les ennuis ne vont pas tarder, et, avec ses fers aux pieds et aux mains, il va lui être difficile de s'en tirer. Il convoque en son esprit le plan de la forteresse, qu'il connaît presque par coeur. De nombreux itinéraires se dessinent. Beaucoup se recoupent. D'autres pas. Il calcule à toute vitesse en refermant les tiroirs et en remettant les derniers livres à leur place. Il se redresse. La porte n'est pas la solution. D'un geste leste, il enjambe en grognant le rebord de la fenêtre. La distance entre ses deux mains et deux pieds, au maximum, n'est pas idéale, mais les pierres extérieures sont disjointes assez souvent. Ce n'est ni un risque, ni un pari. Il se persuade qu'il sait ce qu'il fait. Personne ne regardera par ici, de toutes manières. Il respire profondément. Quinze mètres sur la droite, huit en bas, et un demi de plus à droite. Voilà la bonne solution. En espérant que les arbalétriers regardent ailleurs.
Cet enfant avait concrétisé toutes les attentes de Ser Richar. Tout ce qu'il avait cru impossible, tout ce qu'il avait pensé ne pas réaliser, tout était devenu à portée de main. Carmickaël avait réussi à surmonter l'entraînement de Richar. Mieux, il en avait encore voulu. Là où tous les autres abandonnaient, épuisés, à l'agonie, ce jeune homme d'une taille peu commune, d'une force peu commune, d'une volonté peu commune, avait tout enduré ; s'était relevé, et avait recommencé. Ser Richar avait rehaussé ses exigences, les avait placées à un tout autre niveau. Finalement, son armure fantasmée, il pourrait peut-être la faire réaliser. Et il théorisa avec ferveur son nouveau type de combat. Carmickaël pouvait en supporter le poids. Si la douleur avait accompagné Richar pendant ses années de formation, les meilleures amies de son disciple seraient Daath et Netzach, deux épées à deux mains. Seul lui serait assez inhumain pour réussir à s'en servir de concert. Quant à l'armure... Nul autre ne supporterait son poids. Nul autre ne pourrait accomplir ce que Carmickaël accomplirait avec elle. Le seul et unique disciple de Ser Richar Geburah était appelé à le surpasser. Carmickaël deviendrait son successeur, et le ferait oublier dans les mémoires. Armé, équipé comme il l'était rien ne l'arrêterait.
Il ouvre précautionneusement la porte de la pièce donnant sur le couloir, jette un regard à gauche, à droit. Vide. Les torches tremblent, mais, depuis son séjour dans la prison, il en l'habitude. Il s'élance aussi vite que ses chaînes le lui permettent dans le corridor, se glissant furtivement aussi bien qu'il peut dans les ombres, retenant son souffle à chaque croisement. C'est l'itinéraire le plus risqué. Et pourtant le plus sûr. Il s'immobilise. Un bruit, derrière lui. Furtif. Une goutte de sueur lui tombe dans l'oeil droit. Un rat file entre ses jambes. Il s'empêche de laisser aller un soupire profond, et reprend sa marche. Encore quelques mètres, et la pierre, et le passage, et la sortie dans le cimetière. Il s'engouffre dans l'ouverture que créé le mur en s'effaçant. Sa tension se relâche quelque peu. Pendant une dizaine de minutes, il est en sécurité. Dans le noir le plus complet, mais ce passage est le seul à n'avoir qu'une entrée et une sortie. En outre, l'épaisse tapisserie fine de toiles d'araignées traduit son absence de fréquentation régulière. Respirant avec rythme, comptant ses pas, comptant les mètres, il avance. Le temps s'écoule à la manière du fluide des clepsydres : il semble s'étirer en longueur, en lenteur, à mesure que la clepsydre se vide, et ne plus finir. Et pourtant, il faut bien que tout s'achève. Ses lèvres formulent une interjection de joie quand il aperçoit la lumière qui trahit le bout du tunnel. Une fois dans le cimetière, il lui faudra soit attendre la nuit, mais cela augmenterait les risques de capture, son itinéraire n'allant pas rester ad vitam aeternam inconnu, soit tenter un nouveau quitte ou double, et aller jusqu'au caveau des Lynn, adossé au mur d'enceinte, et s'enfuir. Il sourit intérieurement. Gageons que des gardes l'attendront.
Rien n'avait arrêté Carmickaël. Dès qu'il avait commencé à voler de ses propres ailes, il était devenu le nouveau parangon de l'ordre. Mais un parangon brutal. Sans finesse. Sans distinction. Il était une véritable machine à tuer, extrémiste, pensante, mais le dissimulant. Ser Richar n'avait, depuis, cessé de sourire dans sa barbe, jusqu'au jour où il était revenu d'une mission de routine, et où une lourde troupe l'avait mis aux arrêts. Un corps entier de cinquante hommes lui était tombé dessus. Il n'avait même pas cherché à résister. On lui avait dit qu'on le mettait en prison, dans les geôles souterraines de la Confrérie, et qu'il n'en sortirait que deux fois. La première pour être présenté à la vindicte de la population, cloué au pilori, traître qu'il était. La seconde, pour être exécuté. Le reste du temps, il contemplerait le seul horizon que l'on voit depuis les paillasses des cages : un mur gris, morne, strié des ombres des barreaux de la porte. On lui avait retiré son armure. On lui avait retiré ses armes. On lui avait retiré ses droits. On lui avait retiré sa réputation. Sur un ordre du Haut Connétable. Ser Richar avait toujours été fidèle. A l'ordre. Au Haut Connétable. Il avait toujours servi. Sans réfléchir. En accord avec les principes de la Confrérie Blanche. Il avait été trahi. Il l'avait compris très vite. Ce qui lui avait pris du temps, c'était de se décider. Devait-il agir, devait-il mourir ? Finalement, c'est seulement dans l'escalier qu'il avait pris sa décision.
Carlyle | 26/08/07 15:14
Ses blessures le font souffrir le martyr. Des gardes l'attendaient... Jamais il n'avait aussi mal combattu. Jamais il n'avait été en si piètre état. Il les avait défait, bien sûr, mais y avait laissé des plumes. Il boite de la jambe droite, son sang coule trop vite, et le garrot de fortune qu'il a appliqué à partir de la dépouille de l'un de ses anciens frères ne va pas jouer son rôle très longtemps encore. Il n'y voit plus de l'oeil droit, et, sous sa paupière, l'enfer liquide se déchaîne. Se traînant aussi vite qu'il peut, il pousse le couvercle de la tombe. Le bruit résonne de marbre. S'il avait jusque là évité de donner l'alerte, c'est chose faite. Avec un peu de chance, personne n'aura entendu. Mais il n'a jamais eu de chance. Et surtout, il n'a pas la force de dissimuler ses traces. A quoi cela sert-il dorénavant ?
Avait-elle été la bonne ? N'avait-il rien de mieux à faire ?
Il tombe dans l'escalier, grognant de douleur. Il n'a plus qu'une centaine de mètres à faire, à peine, et chaque pas lui arrache un peu plus de vie. Il n'est plus beau, il n'est plus grand. Il n'est qu'une plaie. Trébuchant sur une racine, il s'appuie contre le mur. Le fer de lance coincé entre une côte et un de ses muscles s'enfonce un peu plus. Il serre les dents. Il doit avancer. Dans son pagne, la lettre de Carlyle. Il doit la transmettre. Au premier venu, qu'importe. Sa dernière mission doit être remplie. Transmettre ce savoir. Que quelqu'un sache. Lutte, peut-être ? Il gravit les dernières marches de l'escalier qui le mèneront hors du chapitre. Soupirant, il espère que des précautions n'ont pas été prises aussi de ce côté. La porte dissimulée grince alors qu'il la pousse.
Aurait-il dû hésiter dans le bureau du Haut Connétable ? N'est-ce pas lui qui trahit ?
La lumière l'aveugle juste assez longtemps pour qu'il ne puisse pas éviter le carreau qui se loge dans son foie. Il chancelle, recule, avance, ses yeux s'adaptent et il voit. Il voit la tête de l'arbalétrier se faire défoncer par un revers d'épée, tandis que le lancier à ses côtés découvre avec stupeur que son tronc est désormais séparé de ses jambes. Il voit des épées s'entrechoquer, et le son lui fait deviner la fureur du paladin. Il voit un éclair vert, impossiblement rapide considéré le poids de son équipement, fendre de toutes parts les gardes survivants, qui tentent de l'encercler, mais leur nombre diminue bien plus vite qu'ils ne le pensaient possible. Une lame vient se planter dans le cor de brume puis dans la bouche et dans la tête de celui qui l'allait sonner. Un fantassin, moins lourdement vêtu, pense jouer d'agilité. Coupé en deux de bas en haut par un revers tellement distrait que cela en devient presque insultant, il agonise rapidement. Après quelques secondes de sauvagerie, le dernier fer vêtu debout tremble. Le regard de son adversaire, visible dans la très mince fente qui barre le heaume, est terrifiant de pureté, d'assurance. Daath et Netzach crissent l'une sur l'autre quand Carmickaël, d'un ciseau adroit, le décapite, et dans leurs étincelles, Ser Richar entend le chant des anges.
Tout n'avait pas été vain, de toutes manières. Il avait réussi à avoir un héritier que soit digne de lui.
Puisant dans ses dernières forces, il réussi à tendre le parchemin vers son disciple. Encore dans l'embrasure de la porte, il mobilise toutes ses forces. Il faut avancer. Il faut sourire. Il faut sortir. Il s'effondre de tout son long, de tout son être : Ser Richar Geburah, véritablement né dans la forteresse de la Confrérie Blanche, à Dane, mort à Dane dans le chapitre principal de la Confrérie Blanche. Carmickaël ne fait pas de sentiments inutiles. Son deuil arrivera plus tard. Il ramasse le parchemin, et s'enfuit, insensible aux bruits métalliques que rendent les carreaux d'arbalète en arrivant sur son armure. Il sait où aller.
Mais le dernier pas compte tout autant que le premier : il créé votre légende.
Carlyle | 26/08/07 15:17
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Suite de :
1) Monologue oublié : [Lien HTTP]
2) Fragments epars : [Lien HTTP]
3) Séance inamicale : [Lien HTTP]
4) Eva : [Lien HTTP]
5) Vol de nuit : [Lien HTTP]
6) Les Minutes de la Confrérie Blanche : [Lien HTTP]
7) Orchestral manoeuvre in the dark : [Lien HTTP]
8 ) Echange et mots couverts : [Lien HTTP]
9) Le Chant des anges : [Lien HTTP]
10) Les terres perdues : [Lien HTTP]
11) Temps clair : [Lien HTTP]
12) Ouverture, mouvement final : [Lien HTTP]
13) Paix et furie : [Lien HTTP]
14) Départ : [Lien HTTP]
A suivre aux alentours de mercredi.
Bonne lecture.
Edité par Carlyle le 26/08/07 à 15:17
Loken Nifelheltyr | 26/08/07 15:26
C'est excellent
